« IL NOUS EST ARRIVE QUELQUE CHOSE », UNE OEUVRE MONUMENTALE ET IMMERSIVE D’OLIVIER DE SAGAZAN

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Olivier de Sagazan : « Il nous est arrivé quelque chose », oeuvre présentée au Théâtre de Saint-Nazaire.

Olivier de Sagazan a présenté pour la première fois au Théâtre de Saint-Nazaire une oeuvre immersive et monumentale. Avec Il nous est arrivé quelque chose, c’est un tout nouveau dispositif, l’artiste court dans un grand tube à essai de deux mètres de haut sur quatre-vingt centimètres de large. Des électrodes disposées sur son corps transmettent ses pulsations cardiaques à des musiciens qui les interprètent simultanément. En fond de scène, les spectateurs suivent également la retranscription schématique de ses informations vitales. Le coureur décrit son processus intellectuel, son état physique et l’étonnement de ce qui se produit. La projection d’un langage plus libre surgit, sollicité par sa voix intérieure. Stimulé par l’enthousiasme de partager sa découverte, le chercheur entre dans la transe des mots, balade ses idées, pour les laisser creuser ou elles veulent, crier autrement, trouver en poète une manière de dire vrai.

Né au Congo et très marqué par la religion, Olivier de Sagazan redéfinit son rapport au vivant en poursuivant une carrière de biologiste. Dès lors, des définitions contradictoires vont parsemer son chemin. Afin de construire une cohérence ou de donner un sens à l’existence certaines personnes se mettent à chercher comme Henri Michaux dans Mes propriétés :« Il y a mon terrain et moi ; puis il y a l’étranger » dans ce poème l’auteur cherche « d’où vient donc la lumière ? ». De même dans L’innommable, Beckett questionne « Se peut-il que je sois la proie d’une véritable préoccupation, comme qui dirait un besoin de savoir ? ». L’écrivain de ce « je » insondable accompagne le travail d’Olivier de Sagazan depuis longtemps dans sa quête d’intelligibilité.

Au milieu de ces jeux de questions et de réponses, l’art forme une sorte de catalyseur, de jonction, de pont, pour dialoguer avec le sensible et le scientifique. Des formes diverses s’accumulent pour résoudre le mystère. En compagnie de Renaud Barbaras, philosophe et auteur d’ouvrages sur la phénoménologie, ils se demandent : « Comment la philosophie, comme quête d’intelligibilité, travaille intérieurement l’art ? ». Ensuite sur scène, dans la pièce Nos cœurs en terre avec David Wahl auteur entre autres du livre Le sexe des pierres, ils retracent l’évolution du vivant en sculptant le corps de l’écrivain à l’aide d’argile et de quelques feuillages. Ils font revivre le travail de Transfiguration commencé en 1999. L’un créateur, l’autre œuvre vivante mettent en résonnance l’histoire et approfondissent encore la source, l’origine, le lien créatif qui nous unit à l’univers.

Dans Il nous est arrivé quelque chose tout fusionne, la scénographie picturale et la mise en mot improvisée permettent au spectateur de s’approprier le comment. Dans ses précédentes créations il y avait de l’eau et de la terre simplement en écho à notre nature, maintenant la technologie propose un autre regard. La méthode change mais l’objectif reste le même. L’image devient nôtre, transperce, la rencontre entre art et science a lieu. Ses paroles s’échappent de sa chair par le mouvement répétitif de la course, son discours jaillit ( étymologie du mot discours : action de courir à différents endroits ). L’œuvre prend vie, comme poussée à répondre par elle-même face à l’urgence de dire, face à l’appétit de vie pour faire résonner ce qui gémit, ce qui respire dans l’atelier du sculpteur, du biologiste et du peintre. Toujours aspiré par le même élan, investi corps et âme, Olivier de Sagazan traverse en homme-orchestre une nouvelle dimension.

Inferno : Est-il possible d’en apprendre un peu plus sur la quête que tu poursuis ?

Olivier de Sagazan : La quête est toujours la même, essayer de comprendre ce qu’on fait là, notre relation avec notre environnement proche et lointain, jusqu’aux étoiles. Je propose une partie de la réponse avec cette performance. Et ça, c’était pour moi une découverte assez fantastique. Mes questionnements sont toujours les mêmes depuis 40 ans, depuis que j’ai quitté ma religion natale. Il me faut y substituer quelque chose de solide. Une partie de ma réponse, un des éléments phares d’Il nous est arrivé quelque chose c’est la découverte, grâce à la course qui met en exergue la respiration avec des capteurs, des raisons de la respiration. La respiration c’est envoyer de l’air dans les poumons, envoyer de l’air dans l’hémoglobine, ensuite cette hémoglobine recrache l’oxygène dans les cellules et cet oxygène c’est ce qu’on appelle un oxydant, il a un pouvoir oxydant très important, c’est-à-dire un pouvoir de capteur d’électrons. Pour faire simple, l’oxygène va démantibuler, dégrader le sucre. Les molécules de glucose qu’on a dans les cellules, ont toutes à l’origine été synthétisées durant la photosynthèse grâce à la chlorophylle qui capte l’énergie de la lumière. Autrement dit, le sucre est un petit réservoir de lumière. Et quand tu respires, tu retraces ce lien entre toi et le soleil, c’est-à-dire que tu récupères en respirant l’énergie du soleil. Et donc en respirant je reconstitue le lien entre moi et le soleil. Pour le dire autrement, quand je cours ou quand je parle, ou quand je fais quoi que ce soit, je suis dans la lumière transfigurée. Et si ça se trouve quand je rêve, c’est le soleil qui rêve à travers moi. Je me fais cette très belle idée de lien entre moi et une étoile, entre nous tous et notre première étoile qui est donc le soleil que je mets en évidence. Je prends conscience que je récupère un mouvement bien plus ancien que moi, grâce auquel je peux me mettre en action. C’est ce que je développe un peu avec Renaud Barbaras, partant d’une approche très physicaliste on arrive progressivement à des considérations à la fois sur le langage, sur l’origine des mots. Et ensuite, cette idée que nous ne sommes pas à l’origine des mots, les mots arrivent par eux-mêmes. Et donc le « moi » est totalement dévalué, réduit à peu de chose, une simple petite tête de lecture, un « soi-disant » et ce qui se perd en verticalité l’homme le gagne au combien en horizontalité. Même s’il n’est pas maître de grand-chose en attendant, c’est un spectateur et un médium entre des distances infinies. Et c’est ça qui est très beau.

Comment fonctionne le dispositif ?

C’est un tube à essai de 2 mètres de haut sur quatre-vingt centimètres de large avec des tas de récepteurs sur moi, des micros, des capteurs etc… un fond d’écran qui représente mon électrocardiogramme. Puis des musiciens, Pierre Cheguillaume et Alexis Delong qui reprennent ces sons et un vidéaste, Alexandre Ménard qui me scanne en permanence. Voilà l’idée de base…Après ça il y a de l’eau qui rentre dans le tube.

« Il nous est arrivé quelque chose », pourquoi ce titre ?

Là c’est un peu comme apparaître tout à coup. Donc c’est un phénomène. Le personnage que je joue sur scène va trouver un mot pour ça, c’est « l’apparaissence ». Tout ça, c’est apparu un beau jour.

Qu’est-ce que tu aimerais créer chez les spectateurs ?

Partager mon étonnement, ma joie d’être au monde face à ces mots qui arrivent et dont je ne connais pas la source.

Claire Burban

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Prochaines représentations :

21 Mars : Nos coeurs en terre, Le carré, Château Gontier

16 Mars : Il nous est arrivé quelque chose, Le carré, Château-Gontier

https://olivierdesagazan.com

Henri de Rusunan

_Olivier de Sagazan ©Didier Carluccio

Crédit photo : Gaëlle Le Rouge, Henri de Rusunan, Didier Carluccio

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