INFERNO

« Vous aimez l’amour ? Vous allez être servis ! »

Voilà un choix risqué que nous proposait Stéphanie Marc : faire une œuvre de théâtre avec des textes parlés et chantés qui la touchent, qui lui parlent au cœur, qui l’émeuvent. Voici donc 1h15 de vol tendre entre chansons popu et textes d’Heiner Muller, entre littérature contemporaine et sonnets de Louise Labé. Un spectacle qui n’est ni un pièce, ni un concert (même si ça en a le bruit et l’odeur), ni un cabaret : un morceau de l’humanité de Stéphanie Marc puisqu’elle a choisi les textes, les met en scène et en assure seule l’interprétation.

Un oiseau passe dans une chanson, un coq est mangé à table et je bats de l’aile. Pas d’histoire d’amour, pas de trame qui finit mal ou bien mais de micros-instants, des impressions, des bribes de vie. La comédienne nous emmène à travers un jeu de piste où l’on glane, ici ou là, un vers de Bérénice, une tirade d’Elvire ou un refrain de Michel Berger. Gare à celui qui cherchera d’où vient le texte, il sera vite perdu. Il faut vraiment accepter de se laisser porter par ces poésies morcelées pour entendre le texte, uniquement, sans savoir d’où il vient, qui l’a écrit et dans quelles conditions.

Le spectacle ondule entre cabaret kitch (beau short à paillettes, boules à facettes et robe verte) et concert punk. Le public oscille aussi : les scolaires massés en tas au fond de la salle piaillent entre eux sur Si maman si et les têtes dégarnies du premier rang se bouchent les oreilles quand Stéphanie Marc hurle le Sorrow de Mort Shumann sur un arrangement rock qui dépote. Un spectacle si personnel peut-il vraiment embarquer tous les publics? Oui, si on arrive à entrer dedans. Et l’œuvre souffre d’une trop grande salle pour un spectacle si personnel, d’une voix trop sonorisée pour un spectacle si intime et intimiste. De vous à moi vous m’avez vu, mais pas très bien au fin fond d’un gradin qui nous éloigne du cœur de l’artiste. Le C.D.N. montpelliérain vient d’inaugurer une petite salle de cent places, et c’est bien à l’intérieur de cet écrin qu’on aurait dû placer le bijou Stéphanie Marc, de peur de trop l’user sous les yeux indiscrets de spectateurs sans exigences.

Bruno Paternot

Amore, Variétés / spectacle sentimental de Stéphanie Marc accompagnée de deux musiciens : Bertrand Sombsthay et Éric Pastor / Dans la programmation de Sortie Ouest aux alentours de Béziers du 12 au 15 Janvier 2012 puis du 18 au 20 au théâtre des Treize Vents, Centre National Dramatique du Languedoc-Roussillon.

Photo : Cécile Marc