MALTA FESTIVAL POZNAN : UNE NOUVELLE CLAQUE POUR RODRIGO GARCIA
Envoyé spécial à Poznan, Pologne.
MALTA FESTIVAL POZNAN / Poznan Pologne / 9-29 juin 2014.
L’actualité s’avère par endroit ironique : Le Malta Festival Poznan en Pologne qui pour cette édition a pris le large du côté de l’Amérique Latine, afin d’y élaborer sa ligne artistique, celle-ci cheminant à un carrefour entre théâtre danse et art visuel, est contraint d’abdiquer face aux pressions de supporteurs de football qui auraient fait lors des représentations du 27 et 28 juin de la pièce de théâtre « Golgota Picnic » écrite par Rodrigo Garcia un prétexte pour se battre, menaçant de mettre le feu au centre culturel de Zamek.
Le 11 novembre dernier, jour de l’indépendance de la Pologne, ces hooligans prenaient déjà part à de fortes manifestions organisées par des courants nationalistes et conservationnistes. Ils provoquèrent d’intenses bagarres, brûlèrent des squares. Par ailleurs en 2013, ce fut l’italien Romeo Castellucci qui concocta la programmation du festival Malta autour des relations entre humains et machines. Lorsque le metteur en scène italien présenta en 2012 son « concept sur le visage de Dieu », il n’y eu point d’émeutes, ni d’éclats provenant des catholiques et hooligans. Alors qu’en France les ultras cathos de « civitas » dévoilèrent à Strasbourg ou encore à Paris leur véritable visage en se prenant violemment à cette pièce accusée d’être blasphématoire. C’est la première fois que la Malta festival doit pour des raisons évidentes de sécurité annuler des représentations. C’est dire si le contexte politique polonais s’est dégradé, balloté par une sorte de dialectique qui va et vient entre un conservatisme nauséeux provenant de la droite et du centre. Aujourd’hui, une simple étincelle peut provoquer un feu.
Rodrigo Garcia est l’actuel directeur du théâtre de Montpellier et programmateur de cette 23ème édition du festival Polonais. Il se voit contraint à nouveau d’abandonner sa pièce. Cela en outre quelques semaines après l’épisode cinglant de Montpellier, qui signa accompagné d’une lettre trempée de désarroi un attachement teinté d’ambiguïté à la lutte des intermittents. Ces claques assénées une nouvelle fois à l’auteur hispano-argentin surviennent, hasard du calendrier ou enfumage médiatique, le jour d’une fête religieuse en Pologne, le 27 juin et durant le jubilé d’un joueur de l’équipe de Foot de Poznan, le 28 juin.
Selon la police de Poznan ce n’est pas moins de trois groupes de hoologans et plus de 30000 manifestants qui menaceraient d’intervenir lors des représentations de « Golgota Picnic » soudés autour d’une même idéologie. La pièce programmée dés le début de mois de juin aurait permis aux groupes extrémistes de s’organiser en vue de faire monter la pression. L’appel au rassemblement provient de l’archevêque de Pologne, désirant à l’annonce de cette pièce voir un rassemblement d’ordre national. En cause donc, selon les instances religieuses : l’aspect blasphématoire de « Golgota Picnic » lié à une pornographie à l’œuvre qui enlacerait d’une manière outrageuse les iconographies chrétiennes.
La coordinatrice de la programmation du festival Katarzyna Torz désolée, le souligne : « Il y eu des scandales, mais cela n’a jamais atteint cette dimension extraordinaire. Or, on soutient le contenu de « Golgota Picnic » ! Il évoque le monde dans lequel nous vivons, il fait jour de la fonction critique de l’art nécessaire aujourd’hui. Si nous annulons les représentations, c’est uniquement une question de vies ». Alors que le mondial de Football prospère en toute innocence et appelle de ses vœux à la consommation immodérée, à fermer les yeux sur les protestations sociales brésiliennes, le festival Malta tente lui en Pologne de rendre sensible telle la peau les réalités sociales de l’Amérique latine et se voit confronté à de terribles assauts idéologiques.
Rodrigo Garcia voulait notamment mettre en formes au cours de ce Malta Festival le fait que les artistes sont très conscients de ce qui se passe autour d’eux. Leur désir est de travailler sans cesse au cœur de la réalité, de l’histoire et des problématiques sociales, en témoigne notamment la performance livrée par le chorégraphe brésilien Marcelo Evelin programmée lors du Malta Festival intitulée « De repente fica tudo preto de gente ». En creux de ce geste artistique il s’agit, au travers des voies frayées par ses danseurs, d’entrapercevoir les mécanismes qui provoquent de l’exclusion sociale.
Certes la Pologne ne s’est pas qualifiée pour le Mondial 2014 de Football, or elle triomphe sur le terrain de l’idéologie au côté de la Fifa, et marque ici un but précieux contre l’engagement conscient, qu’il soit artistique, critique ou social.
Quentin Margne
Visuels : Golgota Picnic de Rodrigo Garcia / Photos David ruano























