« LES LIMBES », AU CENTQUATRE : L’ESPACE MAGIQUE
Les Limbes / Etienne Saglio / Monstre(s) / au CentQuatre à Paris / du 16 au 21 décembre 2014 à 20h.
Après le Soir des Monstres, Etienne Saglio, émissaire du mouvement « la magie nouvelle » fondé dans les années 2000 par Raphaël Navarro et Clément Debailleul, revient au CentQuatre à Paris avec une représentation foudroyante. Ici, le spectacle de magie, délié de ses entraves originelles, de la rigidité des codes, de la roideur des numéros, explore désormais tous les champs. Magnétique, il abolit les frontières du cirque, du théâtre et de la danse. Il devient un alliage. Il détourne « le réel dans le réel »*. Car c’est du décalage esthétique, du bâillement de la réalité, de l’exploration des frontières que nait le sentiment magique.
Or, justement, le thème de la représentation est un espace intermédiaire, un lieu de projections où le rêve et le réel se fondent et se confondent : les limbes. Cette frange du monde devient ici un paysage mental où flottent des figures spectrales. Sur le plateau nu, sur le sol nuit émaillé par les lueurs des projecteurs, apparaît une grande bâche en cellophane, qui danse. Elle virevolte, électrique, agitée par l’épée de l’acteur. Tantôt, le film plastique se morcèle en méduses, tantôt il prend la forme énorme d’une baleine. Le spectateur, hanté par ces visions fantomatiques perd tout repère et repaire. Il devient apatride, exilé de toute réalité tangible.
C’est dans le cadre de ce flottement esthétique, que nait le miracle de la magie. Les sacs plastiques bruissent, agités par le vent, s’élèvent et retombent, fatigués. Les marionnettes expulsées du ciel ressuscitent. Un souffle divin balaie la scène comme les pensées. Etienne Saglio devient alors un démiurge, insuffle la vie aux objets morts. Et ce questionnement sur l’être est matérialisé par un crâne allégorique, qui rappelle que toute existence humaine est vaine. Car, « vanité, vanité, tout n’est que vanité et poursuite du vent ».
Mais l’intemporalité du lieu, la pureté de la chorégraphie est abîmée par une esthétique d’époque. Le rouge des costumes, le clair de lune, l’ambiance « cape et d’épée » rythmée par le Stabat Mater de Vivaldi date la représentation. La beauté cosmique du spectacle suffisait. On aurait pu se passer des arrangements cosmétiques.
Lou Villand
* Définition de Raphaël Navarro























