FESTIVAL D’AVIGNON : « ECRIRE SA VIE », UN PATCHWORK DECOUSU QUI PEINE A CONVAINCRE

77e FESTIVAL D’AVIGNON. « Ecrire sa vie » – Pauline Bayle – Cloître des Carmes – 8 au 16 juillet 2023.

De Pauline Bayle, on avait adoré l’Iliade (découverte dans le OFF à La Manufacture), l’Odyssée et les Illusions perdues. La retrouver dans le Cloître des Carmes témoigne de son ascension fulgurante dans le paysage théâtral français. Pour son premier IN, l’artiste s’est lancée dans une adaptation de l’œuvre de Virginia Wolf, portée une bande d’amis d’enfance qui se retrouvent et cherchent un sens dans un monde au bord de la guerre. Si le texte regorge d’images poétiques, l’ensemble manque de choix forts pour être crédible et émouvoir. Projet trop ambitieux ou manque de temps, Ecrire sa vie n’a ni la puissance ni l’évidence des spectacles précédents de Pauline Bayle.

Six amis d’enfance se retrouvent pour fêter le retour du septième, Jacob, parti depuis un an. Le banquet est préparé, l’excitation est à son comble en dépit d’un contexte politique difficile. Chacun arrive avec ses souvenirs, ses espérances et ses peurs…

Le public est invité à prendre place sur scène, attendu par les comédiens qui établissent d’entrée une connexion avec lui. Tout le monde participe à la grande fête du retour de Jacob. Les interactions initiales cherchent à établir un contact, y compris en proposant de la limonade ou de répéter une chanson d’accueil pour Jacob. Ces préliminaires suscitent attentes et intérêt. Six beaux jeunes gens sont au centre d’un dispositif bi-frontal, une scène bientôt occupée par une table de banquet et réhaussée de magnifiques guirlandes de ballons rouges. Chacun raconte ses états d’âme, le texte puisant largement dans l’œuvre de Virginia Woolf. Dans la note d’intention, Pauline Bayle explique avoir été bouleversée par la relecture des Vagues durant le confinement, si proches de notre actualité. Les mots sont superbes, les images fortes, chaque intervention prise séparément interpelle notre vécu, nos souvenirs, l’imagination.

Pourtant, un décalage s’installe qui met le doute et rend mal à l’aise. Ces amis d’enfance aux parcours soi-disant éclectiques (une agricultrice, un écrivain, un haut fonctionnaire…) s’expriment tous de la même manière. Pas de diversité de caractère ou de personnage. Les personnages échangent leurs habits à la fin et se cofondent. Soit. Mais leur évolution au fil du spectacle, qui commence avec leurs 24 ans, puis 30 et 40 ans n’est pas visible non plus, comme si l’âge ou l’expérience ne changeaient rien. La progression du récit est nébuleuse : Jacob est sensé arriver, puis meurt, les amis se retrouvent à des intervalles peu clairs. Les images poétiques si belles, comme celle du corps du dauphin, finissent par se perdre dans ce bavardage continuel. Peut-être aurait-il fallu plus de sobriété, ne laisser la place qu’aux mots, les laisser infuser.

Ecrire sa vie est un livre de belles images floutées, qui peinent à prendre corps en tant que spectacle, quelles que soient l’énergie des comédiens, leur conviction ou la proximité initiale créée avec le public. Dommage.

Emmanuelle Picard

Photo C. Raynaud de Lage

Laisser un commentaire

  • Mots-clefs

    Art Art Bruxelles Art New York Art Paris Art Venise Biennale de Venise Centre Pompidou Danse Festival d'Automne Festival d'Avignon Festivals La Biennale Musiques Opéra Performance Photographie Théâtre Tribune
  • Archives