FESTIVAL D’AVIGNON. « VIVE LE SUJET ! » : SERIES 3 & 4, BIEN MEILLEURES QUE LES PREMIERES…

FOR THE GOOD TIMES

77e FESTIVAL D’AVIGNON. « Vive le sujet ! Tentatives » – Série 3 & 4 : Jeune Mort, Guillaume Cayet – Feu, Fanny Alvarez – Rien d’exceptionnel, Balkis Moutashar – For the good times, Mohamed Toukabri.

L’arroseur arrosé

Reprises des « Tentatives » de Vive le sujet dans le Jardin de la vierge avec, le matin, ce très beau texte de l’auteur Rhône-Alpin Guillaume Cayet, accompagné au synthé par Antoine Briot et Karam Al Zouhir au violon et à la voix… Dans un dispositif un brin compliqué, fait de casques aux lumières bleues, les auditeurs – c’est un peu à cela qu’on en est réduit avec cet appareillage – entendent un texte qui colle à l’actualité avec l’histoire de gens qui ne se cachent plus d’être racistes, qui le montrent au grand jour et font même des manifestations avec force banderoles pour montrer leur opinion jusqu’au jour où le drame imprévisible va avoir lieu et changer à tout jamais le destin d’un des principal agitateur. Comme souvent, Guillaume Cayet fabrique des images qui nous donnent l’impression d’y être, d’avoir tout vu et presque, d’avoir tout compris… Mais les personnages de son écriture sont aussi complexes et montrent leurs ambivalences. Un bon moment comme à la radio, avec une présence musicale fine et cette marseillaise orientale qui reste dans l’oreille une fois le casque ôté…

Les enfants terribles

Ne voilà pas que la SACD a lâché la circacienne Fanny Alvarez, déjà admirée comme interprète à Avignon en 2011 dans « La Trilogie des contes immoraux » de Phia Ménard, sur la petite scène du Jardin de la Vierge et on n’a pas fini de s’en souvenir… Après les casques, les boules Quies sont distribuées aux spectateurs et même au personnel, car du bruit, il va y en avoir… Accompagnée de Morgan Carmet au synthé et de Xavier Tabard à la batterie, Fanny Alvarez déballe tout… c’est un festin d’objets qui sortent d’on ne sait où tellement elle en amène, en sors et en pose… Entre deux suspensions, sur une barre tendue entre les deux murs du Jardin de la Vierge, elle nous régale d’une énergie qui fait du bien sous cette chaleur qui ralentit tout. Elle finit dans les temps. Il faut dire qu’ils ont tous réglé leur montre… comme ça pas de retard, des vrais pros, un casse à l’ancienne, comme on les aime !

L’une danse, l’autre parle

Après deux passages dans le OFF en 2015 avec Les portes pareilles et son très beau travail sur les costumes à La belle Scène St Denis l’année dernière (Attitudes Habillées), la chorégraphe marseillaise revient en duo avec l’écrivaine Lucie Rico se refaire une bio… Dans des combinaisons de jeans bleu profond, les deux comparses s’avancent vers le public, micro HF à la bouche et elles se content et se racontent, l’une danse – c’est Balkis – l’autre parle… Et effectivement, dans ce petit opus enserré dans les murs du Jardin de la Vierge « rien d’exceptionnel »… que de la vie… Leurs vies ou celles de personnages inventés par elles pour se donner une vie… Des regrets : « je ne savais pas toucher mon nez avec ma langue », mais est-ce humainement possible ? Des musiques pop surgissent… « Ma vie est un détail », des petits détails auxquels les deux artistes complémentaires sur ce plateau, s’accrochent « J’ai dit pardon à la réalité et au quotidien », un bon moyen d’être en paix et comme le scande Bowie « let’s dance »…

Plus personne de nouveau au 36, Avenue Georges Mandel…

On ne s’attendait pas à le revoir si tôt, mais le duo de ce quatrième programme de Vive le sujet convoque les manes de Raimund Hoghe, le chorégraphe allemand, disparu en Mai 2021 et qui a fait de la danse un rituel de vie… Pour ce faire, le danseur et chorégraphe tunisien Mohamed Toukabri a demandé à Luca Giacomo Schulte, très proche collaborateur de Raimund Hoghe, de venir le rejoindre… On a la chair de poule lorsque ce dernier étale les objets à la manière de Hoghe. Deux petits napperons de couleur, un bleu, un rouge, des contrastes, balles rouges, bâtons jaune et rose. Mohamed Toukabri rentre et rase les murs. Il est là, sans doute à nous observer, Raimund. Luca Giacomo Schulte le suit. Mohamed Toukabri, magnifique danseur, qui fait feu de tout bois dans l’énergie comme dans la retenue, se livre. Il rend les armes à la remise du drapeau bleu. Il fait corps avec son compagnon, longtemps témoin du rituel de son maitre… De toute beauté, ce duo donne la chair de poule tant il arrive presque trop tôt, alors même que nous n’avons pas fait complétement le deuil de ce chorégraphe qui osa tant et qui réussit à développer une danse si personnelle, faite de postures et d’assemblages de sons et d’objets. Riche idée que de le rappeler à notre mémoire…

Emmanuel Serafini

Image: For the good times Mohamed Toukabri Festival d’Avignon 2023 – Photo C. Raynaud de Lage

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