FESTIVAL D’AVIGNON : « INVENTIONS », L’ANTITHESE !

77e FESTIVAL D’AVIGNON. Inventions – Mal Pelo – Cour du Lycée Saint Joseph 22h – Du 20 au 25 juillet.

L’antithèse !

Le 77 festival d’Avignon touche à sa fin et on peut rapprocher certains spectacles, faire des familles avec les œuvres rassemblées, se raconter sa propre histoire à partir de cette première programmation de Tiago Rodrigues et il est assez cocasse de se dire que, au moment où Anne Teresa de Keersmaeker reprend En Atendant dans le Cloitre des Célestins, le festival a décidé de programmer Inventions de la compagnie espagnole Mal Pelo… Les points communs ? la musique baroque et la danse… mais là où Anne Teresa de Keersmaeker fait régner un calme janséniste, Maria Munos et Pep Ramis, les deux metteurs en scène de Mal Pelo, truffent leur spectacle d’effets, de bruits et cela provoque notre désolation…

On entre dans la cour du Lycée St Joseph, toujours aussi impressionnante, avec ses fausses fenêtres tout le long du mur, et outre le tapis de danse noir au sol, on distingue au centre une allée blanche, cinq pierres suspendues des cintres, irrégulièrement, de part et d’autre du plateau. Sur ce fameux mur, on projette un texte en anglais, puis en français dès que le spectacle commence : Les chevaux de lumières se sont échappés des prés. Ce sont des chevaux d’amour, leurs crinières couvertes de feu… et le moins que l’on puisse dire c’est que ce spectacle va être pompier à souhait ! Et c’est dommage parce que la musique et les deux quatuor voix (admirable Quiteria Muñoz soprano et Hugo Bolivar contre-ténor) et cordes sont impeccables… on frémit lorsque l’on entend les concertos brandebourgeois mais, comme si cela ne devait pas advenir, les deux metteurs en scène coupent ça brutalement par l’apparition d’un trublion en haillon qui pousse le quatuor à ajouter rythmes et sons nouveaux comme si Bach ne suffisait pas… Les textes récités par ce même homme, tantôt en guenilles, tantôt en costume noir très propre, sont sans cesse en décalage avec la musique et surtout avec la danse qui est si pauvre, si banale, bâtie sur une recherche minimaliste…

On s’ennuie donc ferme dans ce spectacle où tout est inutilement compliqué, rendant l’œuvre kitchisime sans raison avec les supports à leur disposition : la musique de Bach et les textes de Nick Cave, Erri de Luca, et John Berger… On se dit que, décidément, la danse et le spectacle en Espagne sont assez loin de nos cannons. On se souvient du supplice il y a deux ans dans la Cour avec Sonoma de Marcos Marau, mémorable…

Invention apparaît donc comme l’antithèse de En Atendant avec une danse sans intériorité, l’assimilant à du « bougé ». Une chorégraphie faite de courses folles à grandes enjambées et marches rapides déjà vues mille fois… pas un moment de grâce ne vient nous saisir. Dès que quelque chose peut naître, les deux metteurs en scène coupent cela avec des actions inutiles comme si nous devions être à tout jamais privés d’émotions pourtant nécessaires à un spectacle. Les troncs d’arbres qu’on coupe, les cymbales qu’on lance, les aspirateurs de feuilles qu’on active… quel dommage pour la musique et ces ensembles qu’on aurait eu plaisir à entendre, simplement…

« Il n’y a pas de Dieu » dit à un moment l’agaçant Monsieur Loyal du spectacle… avec Bach en fond sonore, c’est osé… Le malheureux cheval blanc projeté à la fin ne fera pas sortir ce spectacle du pré carré de la cour du Lycée St Joseph et le léger vent présent hier aura juste laissé s’envoler un morceau de tissu dans les airs qui a capté toute notre attention tant par la beauté de l’envol que par le destin tragique de cet objet qui traçait dans le ciel une danse bien plus belle que celle sur le plateau…

Emmanuel Serafini

Photo C. Raynaud de Lage

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