FESTIVAL D’AVIGNON. « L’ADDITION », VOUS AVEZ DIT BRITISH ?

77e FESTIVAL D’AVIGNON. L’Addition – Conception, texte et mise en scène : Tim Etchells – Spectacle itinérant du 7 au 25 juillet à 20h.

Depuis plusieurs années déjà le Festival d’Avignon inclut dans sa programmation un spectacle itinérant présenté dans une quinzaine de villages des environs mais aussi au centre pénitentiaire du Pontet et à Avignon même pour le CCAS en entrée libre.

L’objectif est évidemment d’élargir le public du Festival et de le faire mieux connaître aux populations environnantes qui le voient souvent de loin, qui s’aventurent parfois à quelques spectacles du « Off » mais qui hésitent à mettre un pied dans le « In » qui reste un peu mystérieux et qui n’est populaire que jusqu’à un certain point. Il s’agit aussi tout simplement de faire découvrir le théâtre à ceux qui en sont privés ou qui s’en sont privés.

En cette soirée du 17 juillet c’est à Rochefort-du-Gard que le théâtre a installé ses tréteaux dans un complexe sportif. Le Festival ne prévoit pas de navette au départ d’Avignon et c’est bien volontaire, c’est la population de Rochefort qui est conviée en priorité au spectacle. Le public est visiblement local, il s’agit d’un spectacle de village au bon sens du terme, comme un bol d’air frais loin de la fièvre avignonnaise. Nous avons droit à un petit discours d’accueil de l’édile local qui promet le verre de l’amitié à la fin du spectacle, ce qui réjouit Tiago Rodrigues, présent ce soir-là pour assister au spectacle et peut-être aussi pour fuir Avignon et découvrir un nouveau public.

Le spectacle proposé cette année est une création du metteur en scène anglais Tim Etchells acoquiné pour l’occasion avec le duo franco-britannique « Bert et Nasi » – Bertrand Lesca et Nasi Voulsas – qui mêlent dans leurs spectacles performance, danse et théâtre. Un spectacle itinérant qui, par définition, peut se jouer n’importe où et n’importe quand, seuls suffisent une table, une chaise, un verre, une nappe, des couverts et une bouteille de vin.

Nous découvrons ce duo atypique, un français et un anglais à l’accent presque caricatural, qui nous explique dans un flegme et un humour très britanniques que la pièce sera très compliquée, d’ailleurs à Avignon « tous les spectacles sont compliqués ». En fait l’affaire est simple, on est dans un restaurant et un client s’attable et commande du vin, le serveur fait mine de remplir le verre – la bouteille étant vide – et le fait largement déborder à la surprise du client. En catastrophe il éponge la table et empaquète tout dans la nappe. Puis le client devient serveur et inversement et on recommence la scène nombre de fois avant de se demander qui va payer l’addition.

C’est un comique de répétition qui ne ménage pas les surprises. On passe de l’humour anglais au burlesque mais nos compères gardent toujours le plus grand sérieux. Chaque scène présente des comportements différents du serveur et du client, de la résignation à la colère en passant par l’étonnement, l’incompréhension, l’indignation, la lassitude ou la simple courtoisie. Ce simple sketch met rapidement en évidence tout ce qui peut se passer dans une relation entre deux personnes : la difficulté à communiquer et à comprendre l’autre, les rapports de domination qui s’installent insidieusement mais aussi l’empathie, la solidarité. Tim Etchells nous dit : « Il y a quelque chose d’insupportable dans le fait d’être deux ».

L’ensemble du spectacle est mené tambour battant avec des rebondissements incessants malgré la répétitivité de la scène. Par leur sérieux à toute épreuve, leur jeu tour à tour flegmatique et débridé, leurs gesticulations, ce duo insolite et hilarant entraîne le public dans son jeu. On ne peut s’empêcher de s’identifier à ces personnages. Que ferions-nous ? Comment réagirions-nous ? Il nous livre un exercice de style et une performance qui tiennent le public en haleine et emporte son adhésion.

Malgré quelques longueurs ce spectacle quelque peu déconcertant mais captivant et hilarant rejoint l’esprit du spectacle itinérant et du théâtre de tréteaux. Du vrai théâtre populaire qui apporte cette petite touche d’originalité typiquement britannique que Tiago Rodrigues a voulu insuffler dans cette 77e édition du Festival.

Jean-Louis Blanc

Photo C. Raynaud de Lage

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