FESTIVAL D’AVIGNON. « LIBERTE CATHEDRALE » : L’EGLISE AU MILIEU DU STADE

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78e Festival d’Avignon. Liberté Cathédrale – Boris Charmatz – Stade de Bagatelle – Les 5, 6 – 8, 9 juillet à 21h30.

L’EGLISE AU MILIEU DU STADE

Après nous avoir conviés à un atelier géant de pratiques artistiques pour ouvrir le Festival d’Avignon, souvent qualifié d’élitiste, Boris Charmatz, avec une partie de la troupe du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch et la compagnie Terrain, reprennent pour la première fois en plein air « Liberté Cathédrale », cette pièce XXL pour 24 danseurs au son des cloches et des carillons. Jubilatoire.

Imaginez. On est dans un stade, dehors. Les spectateurs sont assis tout autour des raies blanches si caractéristiques de ces lieux. Les danseurs, majoritairement habillés en noir, font leur entrée. On les repère tant ils semblent nombreux et si différents les uns des autres. Ils font donc société. Ils nous ressemblent. Ils sont nous, enfin en meilleur forme physique parce que ce qui va se passer pendant 1h45 est de l’ordre de la prouesse.

Ils commencent à créer une sorte de cercle plutôt allongé. Ils font des girations comme le vol des oiseaux prêts à migrer. Les danseurs plongent dans le sol, se relèvent, repartent de plus belle. Il y en a toujours un devant, en avance, qui cadre. Il est relayé et ça recommence à une vitesse folle. C’est fascinant à observer. Ils se séparent peu et lorsqu’ils le font, ils sont encore par groupes de quatre. Ils exécutent des courses à une vitesse de gazelle, sortent de l’air de jeu comme expulsés puis reviennent lentement Les portés sont physiques, au ras des spectateurs, assis en tailleurs tout autour de l’air de jeu.

Les danseurs engagés, souples, puissants s’en donnent à cœur joie dans cette pièce qui laisse libre court à leur créativité individuelle tout en faisant groupe et en suivant un protocole précis, basé sur une rythmique organique intense et tellurique imposée par la nature – le corps doit alterner moments intenses et repos profond.

Est-ce que la liberté peut cohabiter avec la cathédrale ? Est-ce que le dogme que porte cette cathédrale permet aux corps en mouvement d’être libres ? Cette chorégraphie est un début de réponse, une sorte de prémisse à une fête mi religieuse mi païenne qui occupe l’espace et nos pensées.

Les danseurs jaillissent de toute part, démons dionysiaques, lançant des obscénités mais immédiatement rassemblés par le cri de ralliement : la mort de tout homme me diminue car je fais partie du genre humain… Nul homme n’est une île, chaque être est un morceau de l’ensemble, chaque être est un morceau du continent… pour qui sonne le glas ?

On doit signaler les lumière d’Yves Godin non pas pour dire qu’elles sont comme toujours belles et justes mais comme il est dans les premiers à avoir utilisé sur scène des éclairages de chantiers orangés, ces néons d’un blanc blafard de couloir d’hôpital… On imagine qu’il a dû se faire plaisir à éclairer cet espace vert créant des monochromes troublants.

Et dans cette lumière crue, une mêlée humaine se plonge au sol sur le ventre, certains se font marcher dessus, des corps sont portés à bout de bras, entre offrande et suppliciés. La pièce s’achève ainsi, comme une vie accélérée d’un groupe rassemblé dans une église au milieu d’un stade…

Il est absolument fascinant de constater l’état d’attention des danseuses et danseurs. Ils sont d’une précision incroyable et, de si près, on voit bien que, par exemple, leurs mains sont au-dessus des côtes et non dessous pour ne pas couper le souffle et gêner… Une prodigieuse horloge s’est mise en route devant nous et nous avons pu observer sa mécanique de précision jusqu’au lancement des cloches qui raisonnent dans le stade illuminé comme jamais.

Emmanuel Serafini

Photo César Vayssié

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