FESTIVAL D’AVIGNON. « LOS DIAS AFUERA », VIES CABOSSEES DE FEMMES FRAGILES

LOS DIAS AFUERA

78e FESTIVAL D’AVIGNON. « Los Dias Afuera » conception, texte et mise en scène Lola Arias – du 4 au 18 juillet à 18h à l’Opéra Grand Avignon – durée : 1h45.

Coupée dans son élan par la pandémie due au Covid et les restrictions qui en découlèrent, la metteure en scène argentine Lola Arias n’a pas pu mener à bien son projet de film au sein des prisons pour femmes, impossible d’y pénétrer et d’y faire rentrer une équipe pour tourner un film mettant en scène les détenues de ces prisons, qu’elles soient femmes, trans, bi, lesbiennes … Déterminée à montrer ces vies cabossées et ces lois absurdes qui ne font qu’enfoncer toujours plus ces femmes fragiles, Lola Arias a décidé alors de tourner son film « REAS » avec l’aide d’anciennes détenues comme actrices dans une prison désaffectée.

C’est sur invitation du Festival d’Avignon en 2023 que l’idée d’un diptyque devint évidente pour elle. Après avoir mis sur pellicule la vie de ces détenues en prison, quoi de plus naturel que de proposer sur scène leur vie d’après, celle faite d’espoirs parfois simples mais essentiels, comme s’allonger dans l’herbe fraîche un soir d’été pour contempler les étoiles.

Sur la scène de l’Opéra d’Avignon, elles arrivent face au public, en smoking ou en robe à paillettes. Elles sont trans, bi, lesbiennes, hommes, femmes… Peu importe elles sont là, face au public qui peut en quelques secondes comprendre qu’ici va se dérouler leurs vérités et que rien ne nous sera épargné, mais toujours avec un sourire empreint d’une immense humanité. Le décor, un peu kitch, peut justement faire penser à un West side story au rabais, celui imaginé quand on rêve d’être sur les planches mais quand on sait qu’on n’y sera jamais. Il y a aussi un petit côté film à la Scarface où l’on peut ressentir la moiteur, la crasse et le danger pouvant surgir de nulle part. Danger immédiat d’une violence aveugle mais celle aussi dite légitime, celle d’un policier ou d’un système qui refuse toute réhabilitation.

Elles ne rêvent que d’étoiles et de plaisir simples après des années d’enfermements intermittents, elles comptent sous nos yeux les périodes de liberté et non celles en prison. Elles ne sont pas lasses mais demandent juste le droit d’exister et d’être heureuses quelques instants, peut-être ensemble, peut-être seules. Comme une comédie musicale sociale, Lola Arias entrecoupe le spectacle de chansons plutôt bienvenues, surtout par la déconcertante dextérité de ces comédiennes à les interpréter avec beaucoup de justesse émotionnelle. Difficile de croire que ces artistes ne sont pas des actrices professionnelles tant elles font tout sur scène, mais ne le sont-elles pas tout simplement devenues maintenant ? Les scènes s’enchaînent et ne peuvent laisser indifférent quiconque a un cœur. Que de vies et de destins brisés pour ces femmes et cet homme qui ne demandent qu’à pouvoir vivre en essayant de se sortir de leur condition. Les quelques moments de rage ou de de folie plus appuyés sont tellement beaux qu’on ne peut que regretter que Lola Arias n’en ait pas proposés davantage, peut-être dans le cadre d’un format un peu plus long. C’est dire si on ne s’ennuie pas, qu’on en redemande, et à la fin, une salle debout et des comédiennes fières, souriantes, nous offrant leurs larmes, mais cette fois de bonheur.

Pierre Salles

Photo C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon

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