FESTIVAL D’AVIGNON. « CLOSE UP », L’ART DE LA FUGUE

78e FESTIVAL D’AVIGNON. « Close up » – Noé Soulier – Opéra du grand Avignon – Les 15 17 19 20 juillet à 18 h.

L’ART DE LA FUGUE

Après Boris Charmatz et son immersion dans la danse de Pina Bausch, c’est au tour de Noé Soulier, le nouveau directeur du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers de présenter « Close up », sa nouvelle création chorégraphique, accompagnée par l’ensemble Il convito qui interprète sur scène des pièces contrapuntiques de Bach dont le célèbre « Art de la fugue ». C’est sans doute la première fois depuis « Mozart Arias » de Anne Teresa de Keersmaeker que la danse et la musique font aussi bon ménage…

Le début est austère. La pièce, presque janséniste, rassemble outre les cinq musiciennes un seul homme au milieu de cinq danseuses. L’orchestre est à jardin, un peu coincé au cadre de la scène. Le fond est tendu de noir mais l’espace est suffisamment petit à la face pour qu’on se doute que le dispositif va évoluer.

Une danseuse fait son entrée d’abord à cour presque dans le noir, puis une autre à jardin et l’homme surgit. Attitude, déhanché contemporain, bras tendu le vocabulaire fait penser à la danse de l’américaine Trisha Brown dans sa fluidité mais surtout dans le fait que le mouvement part du bassin des interprètes…

La pièce s’accélère. Il me semblait que depuis Bouvier-Obadia, on avait arrêté de marquer les accents de la danse par des souffles excessifs, ce qui n’empêche pas Noé Soulier de s’amuser à composer duos, trios, quatuor… seuls, en ligne, tantôt au sol, tantôt à la verticale.

La torsion du bassin joue un grand rôle dans cette chorégraphie que les danseurs exécutent avec précision. Cela reste néanmoins une danse formelle, esthétiquement datée mais belle à regarder avec des ensembles précis, ce qui ne gâche rien.

Comme l’annonçait le début, le rideau noir se lève et laisse apparaître un grand écran qui permet de voir la danse comme au microscope, alors que l’interprète est juste en dessous… Ainsi, on peut voir la rotation du buste, le bras qui se tend, la main à plat. Cet écran apporte un peu de modernité à cette pièce. Ce n’est pas encore Julien Gosselin ou Séverine Chavrier, mais la qualité des images – qui pour une fois sont fixes – permet de faire apparaître le détail, sorte de nature morte des corps.

Dans cette édition du Festival, côté danse, on assiste à une mise en avant de tous les gestes par l’accumulation de gros plans… Les mouvements deviennent lisibles. La grâce s’empare du regard. Comme dans « Forever » de Boris Charmatz, Noé Soulier n’hésite pas à dévoiler ses secrets et la nature de la danse. C’est un cadeau qu’il nous fait.

Pour la troisième partie, l’écran se lève et laisse apparaître le mur du lointain, éraflé par la vie de l’Opéra-Théâtre. Une grande chorégraphie de groupe surgit sur la scène.

Même si l’ensemble est sage, très écrit, très formel pour un si jeune chorégraphe, les spectateurs applaudissent à tout rompre. C’est le signal que la danse contemporaine, son langage, son esthétique ont été adoptés par le public du Festival et c’est une bonne nouvelle.

Emmanuel Serafini

Photo C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon

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