FESTIVAL D’AVIGNON. « REMINISCENCIA », UNE PLONGEE TOUT EN FINESSE DANS UN BARIO DE SANTIAGO

78e FESTIVAL D’AVIGNON. Reminiscencia – Texte, mise en scène, dramaturgie et vidéo : Malicho Vaca Valenzuela – Gymnase du Lycée Mistral – Les 17, 18, 19 et 20 juillet à 11h et 18h ; le 21 juillet à 11h.
Sur scène un bureau et un ordinateur. Malicho Vaca Valenzuela s’avance dans l’ombre et s’installe sur une chaise qu’il ne va plus quitter durant tout le spectacle. Muni de sa seule souris et au travers de sa voix douce et timide, il nous convie à une découverte immatérielle de son quartier de Santiago du Chili et à un voyage intérieur que nous vivrons sur l’écran de son ordinateur projeté en arrière-plan sur toute la scène.
C’est en 2021, durant le confinement lié à la pandémie que Malicho Vaca Valenzuela, dans son petit appartement d’un quartier populaire de Santiago du Chili, s’est lancé dans l’exploration de la vie et de l’histoire de son quartier au travers de témoignages et de souvenirs de ses habitants, de son histoire personnelle et d’images saisies sur Google Earth.
Malicho Vaca Valenzuela nous fait déambuler dans ce quartier central et populaire de la ville chargé d’histoire et haut lieu de revendications sociales, s’attarde sur de petites choses anodines comme les carrelages abandonnés d’un vieil hôpital que l’on doit détruire mais qui soulèvent pourtant de multiples questions. On s’amuse de quelques détails de vie saisis inopinément sur les photos et on s’interroge devant ces vieux graffitis politiques qui recouvrent les murs. Des graffitis dont on a oublié le sens mais qui évoquent tant de désarrois et de misère.
Puis, au hasard de ces pérégrinations, un examen détaillé de vues sur Google Maps révèle un beau témoignage d’amour sur un support inattendu. Des plaques métalliques – découvertes par hasard sur le sol des rues et dont on ignore l’usage – sur lesquelles sont gravés de poignants et magnifiques messages d’amour signés d’un cœur et de ce que Malicho Vaca Valenzuela appelle tendrement un palmier romantique.
Dans ce cheminement poétique et personnel, Malicho Vaca Valenzuela mêle histoire collective de son pays, de son quartier et histoires personnelles. Nous découvrons ainsi des vidéos de ses grands-parents, un vieux couple amoureux depuis soixante ans qui vit précairement dans le quartier. On est attendri par ce grand-père qui s’acharne à faire fonctionner un vieux poste de radio qui les relie au monde, qui permet à la grand-mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer d’écouter des chansons de son temps qu’elle n’a pas oubliées, en particulier la chanson « Sin ti » – Sans toi – que le public reprendra en fin de spectacle.
Toutes ces images, qui accaparent sans cesse notre attention, qui créent la surprise, qui éveillent la curiosité ou attirent la compassion, sont accompagnées d’un commentaire tendre, poétique et faussement naïf de Malicho Vaca Valenzuela. Au travers de la découverte de ce quartier, d’anecdotes touchantes et de ces petites histoires personnelles, l’histoire agitée du Chili et la misère sociale de son peuple apparaissent constamment en filigrane, comme un ressenti. Malicho Vaca Valenzuela n’attaque pas de front ces problèmes politiques et sociaux, il les effleure avec finesse et poésie au travers de son texte léger, sensible et malicieux.
C’est une véritable découverte en cette fin de Festival et un petit bijou que nous offre ici Malicho Vaca Valenzuela. Le public, conquis et plein de compassion pour ces tranches de vie du bout du monde et pour ce peuple chilien si méritant, entonne « Sin ti » sur fond de karaoké, cet émouvant témoignage d’amour en totale osmose avec le spectacle.
Jean-Louis Blanc
Phpto C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon





















