« BREL », ANNE TERESA DE KEERSMAEKER FAIT FAUX BOND

« BREL » – Conception et chorégraphie Anne Teresa De Keersmaeker et Solal Mariotte – La Comète Chalon en Champagne, les 10 et 11 décembre 2025, puis au Théâtre National Wallonie-Bruxelles du 7 au 18 janvier 2026 et en tournée.

UNE ERREUR DANS LE PARCOURS POURTANT BRILLANT DE LA CHORÉGRAPHE

On connaît le goût prononcé des Wallons et des Flamands à célébrer leurs idoles de la pop culture Belge. Brel en est une qu’ils placent au firmament de leur panthéon, à l’instar d’un Magritte (à juste titre), ou d’un Stromae (lui n’est pas mort, heureusement, donc pas encore dans ce « panthéon », mais il doit beaucoup à Brel…). De Keersmaeker, une pourtant grande chorégraphe flamande s’est fourvoyée au dernier Festival d’Avignon en présentant ce projet ni fait ni à faire, qui plus est dans un des plus beaux lieux du Festival, la Carrière de Boulbon : un lieu iconique du Festival -Peter Brook y a donné son Mahabharata en 1985 et a ainsi littéralement créé ce lieu devenu emblématique du Festival d’Avignon. Avec ce « Brel », la chorégraphe star corrompt son art, au service d’une dévotion infantile de midinette à l’endroit d’un chanteur doué, certes, mais seulement un chanteur, qu’il fut belge et porte drapeau de tout un peuple n’y changeant rien. (ndlr)

A l’annonce de ce projet, il y avait une chance sur deux pour la talentueuse chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker. Soit elle se lançait dans une recherche poussée sur le personnage de Jacques Brel, les sources et les axes ne manquent pas, lui qui a donné tant de pistes et de sujets dans ses chansons, soit elle se contentait d’un Juke boxe des chansons du maître, enfilant les tubes comme on enfile les perles… C’est cette dernière option qu’elle a choisie… Celle, finalement, de ne rien dire de sa perception de l’artiste et même si « elle a une opinion » Anne Teresa De Keersmaeker ne la livre pas…

On venait en masse non seulement pour la chorégraphe et son acolyte Solal Mariotte dont on nous dit que c’est un virtuose du hip-hop. On venait nombreux aussi pour la majesté des lieux, pensez la mythique carrière Boulbon, celle du Mahabharata de Peter Brook… On pénètre dans la place… On se serre sur les fauteuils-coque inconfortables, ceux dont le dossier plie avec le poids du dos… 

Face à nous, plateau nu. Au lointain, un long rectangle noir qui court tout du long et où défileront tous les textes des chansons, presque au centre, à la face, un micro et une découpe façon poursuite de music-hall… Anne Teresa De Keersmaeker fait son entrée en costume gris perle, s’avance… Elle ne chantera pas… Elle marquera par quelques tours et jeux de jambes les musiques, toutes les musiques, pendant l’heure et demie que durera la Play liste spéciale Brel… laborieux. 

Pendant ce temps, Solal Mariotte au début déambule sur les passerelles tout autour de la scène de la carrière pour qu’il ne soit pas dit qu’ils n’ont pas tiré le meilleur parti du lieu… On aura droit à des diaporamas à même la pierre, ça fait furieusement penser aux expositions des Carrières de lumières des Baux-de-Provence voisins…

Alors Mathilde est revenue, oui ! et après ? Le diable, ça va : c’est vrai qu’il ne chôme pas ces temps-ci, mais encore ? Quand on a que l’amour à offrir en partage, ça fait peu. Ou est-ce beaucoup, va savoir.. Mais si Paris bat la mesure, alors tout est permis… Les deux artistes n’ont pas osé valser sur la Valse à mille temps, mais c’était moins une… ils ont préféré autociter un court morceau de Fase, l’un des chefs-d’œuvre de la chorégraphe… c’était sur du Steve Reich : autre époque… 


Nous non plus on ne voulait pas voir Vesoul, ni sa mère, mais quelque chose de plus personnel que ce spécial Radio Nostalgie avec toute la Play-list des chansons de Brel, et quand on pense au magnifique travail de Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux avec Les serges autour des chansons de Serge Gainsbourg, on se demande quel est le projet de Anne Teresa De Keersmaeker et  Solal Mariotte avec ce « Brel » ? 

Alors Frida, les bonbons, ça va un temps, d’autant que la danse est pauvre, presque indigente… où sont les virtuoses ? Il n’y a pas de prise de sol en dehors d’une coupole de Solal Mariotte qui tourne et virevolte avec sa veste ou son long manteau à doublure violette, la couleur du diable… 

On espérait quelque chose de moins linéaire, hagiographique. On imaginait des interventions musicales décalées, un Stromae déboulant, des Feu ! Chatertton interprétant… Rien, pas un remix à l’horizon…

On est dans Le festival du théâtre, Brel a été comédien et parfois très bon… pas un mot… chanteur et acteur, ils ne sont pas si nombreux… Pour la nouvelle génération qui ne connaît pas Brel, ça aurait été utile de s’y intéresser… et même d’entendre sa voix en interview… Est-ce utile d’aller si loin, si tard pour écouter un CD illustré de photos projetées sur de vieilles pierres ? Je ne suis pas certain…

Emmanuel Serafini

Spectacle vu (hélas) au Festival d’Avignon en juillet 2025

En tournée :
19-20.12.2025 Teatro Central – Sevilla, Spain
07-18.01.2026 Théâtre National Wallonie-Bruxelles – Brussels, Belgium
14-15.03.2026 Lyric Theatre, The Hong Kong Academy for Performing Arts, HK Arts Festival – Hong Kong, China
31.03-02.04.2026 Viernulvier – Ghent, Belgium
05.05.2026 Cultuurcentrum Hasselt – Hasselt, Belgium
11-20.05.2026 Théâtre de la Ville – Paris, France
28-30.05.2026 Piccolo Teatro di Milano – Milano, Italy
04.06.2026 Leietheater – Deinze, Belgium

Photos C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon et Anne Van Aerschot

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