FESTIVAL D’AUTOMNE : OUTRAGE AU PUBLIC / PETER HANDKE


OUTRAGE AU PUBLIC / Théâtre Bastille / Festival d’Automne

Peter Handke avait seulement 24 ans quand il écrit «Outrage au public». Cette pièce, créée en 1966, fit scandale lors de la première dufait de sa critique acerbe du théâtre prétendument intellectuel. Les spectateurs, outrés par les attaques verbales des comédiens, réagirent mal, très mal même, et finirent par monter sur le plateau pour alpaguer les acteurs.

Dans cette pièce, il n’y a ni trame, ni représentation, ni rôles, ni intrigue, seulement une pièce de théâtre qui raconte ce qu’est une pièce de théâtre. Malgré l’énergie de la mise en scène, il est clair que ce manifeste de la pensée méta-théâtrale, composé de contradictions et paradoxes, n’a plus aujourd’hui la même charge subversive. Pour une heure, les comédiens coupent des ananas, épluchent des artichauts, des tomates, préparent en direct un banquet, et ne cessent de répéter, telle une prière :

« Nous ne jouons pas nous-mêmes
dans d’autres circonstances
nous ne jouons pas d’autre époque
nous ne jouons pas la réalité
nous jouons pendant que le temps passe
nous en parlons
du temps qui passe
nous parlons du passage du temps
nous ne faisons pas semblant
et pourtant nous faisons semblant ».

La mise en scène de Peter Van den Eede et les comédiens de Koe ne manquent pas de rendre la pièce intéressante et vivante. Cette compagnie flamande a la particularité de voir dans le théâtre un moyen privilégié pour unir les hommes dans une sorte d’expérience communautaire. « Outrage au public » sert efficacement cet objectif, et la communion qui naît de cette rencontre parvient à rendre chaque représentation unique et imprévisible.

En revanche, il faut bien avouer que la désapprobation de 1966 s’est, sans surprise, évanouie : le public rit avec une certaine désinvolture aux piques des acteurs. La lumière, allumée dans toute la salle, crée une ambiance chaleureuse, semblable à celle d’un dimanche soir entre amis. Et pourtant, tout comme en 1966, les acteurs interpellent à l’envi le public. Mais celui-ci n’éprouve apparemment aucune gêne. La seule chose qui reste est l’interaction entre spectateurs et acteurs. Le quatrième mur tombe et nous sommes tous réunis par une seule réalité: le passage inexorable du temps.

Camilla Pizzichillo

Outrage au public/ texte de Peter Handke/ mise en scène et conception de Peter Van den Eede/ du 8 au 18 novembre 2011 au Théâtre de la Bastille

Photo : Koen Broos

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