KUBILAI KHAN INVESTIGATIONS : « YOUR GOST IS NOT ENOUGH »
Kubilai Khan Investigations, Your Gost is not enough / Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis, 10 > 11 juin 2014, au Nouveau Théâtre de Montreuil.
Dans Your Gost is not enough, la compagnie Kubilaï Khan Investigation nous propose un poème chorégraphique qui alterne les accents toniques et les césures aériennes. Rappelant un peu la brutalité d’un Wim Wanderkeybus, cette danse prend néanmoins le temps du répit afin de matérialiser l’histoire non romancée d’une relation entre un homme et une femme. Une relation avec ses distances, ces rapprochements soudains, ses proximités complices et ses séparations nécessaires.
Habitué de la danse de plateau et de la danse en espace public, la compagnie oscille entre un univers urbain qui interroge les mutations du monde et des créations qui activent un travail plus intimiste sur les rapports humains. Cette création présentée aux Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis appartient à la seconde catégorie. Frank Micheletti, chorégraphe de la compagnie, sculpte les corps comme on burine le marbre. Les corps en mouvement sont avec lui ciselés avec précision. Les corps se donnent.
La force dans la courbe
En effet, les danseurs offrent aux spectateurs une « énergie périlleuse », selon le mot du chorégraphe. Leur physicalité se caractérise alors par des sursauts d’intensité emmenés sur scène par des cambrures, cercles et spirales qui lui donnent une rondeur surprenante. Leur énergie claque sur le sol et éclabousse les murs. Alternant soli et duos puissants, les interprètes créent une matière dynamique dont la force est largement rehaussée par une partition musicale aux accents électroniques. On a l’impression de suivre sur scène deux animaux qui se cherchent, se reniflent et se séparent dans l’attente d’une collusion esthétique.
Cependant, tout comme la musique, la partition chorégraphique fonctionne par excès, quitte à déborder les danseurs. Malgré la force de leur interprétation, ces derniers donnent parfois l’impression de se tenir en retrait de la danse. A écouter les rythmes sonores et se laissant entrainer par l’énergie débordante de certains passages, l’on s’habitue à l’exubérance invisible. Cette dernière est alors remplacée par l’abondance de gestes, l’éclatement d’un vocabulaire chorégraphique qu’il est difficile de suivre sur la durée.
De puissante, la pièce devient bavarde. Et l’on devient un peu lassé par ces trop-pleins de formes qui dissimulent quelque peu l’explosion d’énergie à laquelle on s’attendait. Malgré un travail virtuose sur la matière corporelle intime que lui proposent ses danseurs, Frank Micheletti n’a pas su ici réduire ses ardeurs langagières et écouter la vertu de l’intervalle, de ses silences et de son pouvoir d’évocation.
Quentin GUISGAND
Photos Benoit Chapon






















