43e FESTIVAL D’AUTOMNE : « EIFO EIFI » , MANDAFOUNIS & MAZLIAH
FESTIVAL D’AUTOMNE 2014 : « Eifo Efi » : Ioannis Mandafounis et Fabrice Mazliah / Théâtre de la Ville, Abbesses, dans le cadre du Festival d’Automne / 10 – 13 septembre 2014.
L’énergie folle, la dépense hystérique, la surcharge d’information et l’épuisement qui entrainent le brouillage des frontières perceptives, l’humour, la virtuosité et l’espièglerie, Ioannis Mandafounis et Fabrice Mazliah mobilisent tous ces registres pour une nouvelle création dans laquelle ils poursuivent leur recherche sur les tensions, frottements et disjonctions entre l’image et sa perception.
Dans le cadre de la série Portraits que le Festival d’Automne dédie cette année à William Forsythe, la pièce de Ioannis Mandafounis et Fabrice Mazliah, collaborateurs de longue date du chorégraphe américain, constitue le parfait contre-point dans un programme qui revisite quelque trente ans de créations qui ont bouleversé durablement le vocabulaire classique en danse.
Eifo Efi pose des symétries organiques pour mieux les déjouer, les corps en scène se conjuguent indistinctement au singulier et au pluriel, la virtuosité la plus exquise est détournée avec de l’humour, la logique forsythienne est poussée dans ses retranchements, jusqu’à l’absurde, jusqu’au déraillement.
Dans un environnement minimaliste, les deux danseurs multiplient les descriptions, les indications, les alignements, coordinations, angles, trajets et articulations contraintes qui portent encore la marque de Forsythe. Les détails fusent, les mots circulent d’un flux de parole à l’autre, les histoires se croisent, se concatènent, s’interrompent et reprennent subitement ailleurs, laissant parfois émerger des souvenirs au conditionnel, des airs de musique, un gouts précis, obsessionnel ou des sensations psychosomatiques. Les points de vue sont toujours en léger décalage. Ils convergent pourtant par moments, savamment orchestrés dans le déluge d’informations qui sature le plateau.
La pièce semble d’abord assez fastidieuse à mettre en place, on ne voit pas encore où veulent en venir les chorégraphes, mais on s’accroche aux souvenirs d’une pièce de groupe signée par Ioannis Mandafounis et Fabrice Mazliah, en collaboration avec May Zarhy, donnée en 2010 aux Rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint Denis. Z.E.R.O. expérimentait le vide, la mémoire et l’oubli. Eifo Efi recherche du côté de la profusion parfois hystérique pour accéder au brouillage des frontières perceptives et atteindre un certain effacement des schémas habituels du corps au profit des agrégats organiques étrangement intriqués. Sauts et courses viennent parachever leur déploiement dans l’espace.
Les figures se forment et se déforment, muent, très plastiques, drôles et en même temps fort exigeantes du point de vue physique. Les deux chorégraphes et danseurs prennent à rebrousse poil le trope deleuzien du corps sans organes et nous placent devant l’image insolite des membres autonomes, schizoides qui mutualisent leurs savoir faire somatiques pour activer des machines dansantes. La question qu’ils travaillent est saisissante : quel serait le vécu d’un corps qui se composerait et se recomposerait sans cesse, par delà la distinction de l’un et du multiple, en perpétuelle recherche de possibles ?
Smaranda Olcèse
Visuels copyright les artistes / Festival d’Automne 2014























