KRIJN DE KONING AU CENTQUATRE : FABRIQUER LA PERCEPTION

Krijn de Koning 2

Krijn de Koning, Espace – Couleurs / Le CENTQUATRE, Paris, 10 janvier – 05 avril 2015

Quand on arrive au CENTQUATRE par la porte de la rue d’Aubervilliers, on découvre tout de suite à notre gauche une protubérance colorée – verte, bleue, jaune et rouge – qui semble être née dans la nuit. C’est comme si du bâtiment, avec ses pierres blanches et son sol en béton, étaient nées d’étranges annexes parasites. En effet, les « pièces-sculptures » de Krijn de Koning dessinent dans l’espace une sorte de labyrinthe qui redistribue les espaces et reconfigure notre circulation.

Une œuvre ludique
Si le travail de cet artiste néerlandais s’appuie sur l’architecture unique de chacun des lieux qu’il investit, il ne s’y confronte cependant pas réellement. Même si cela y ressemble, son travail n’est pas à proprement parlé architectural. Ses sculptures monumentales viennent plutôt apposer sur le réel existant une transformation éphémère qui permet au visiteur de s’immerger dans un monde aux coordonnées étonnantes. Cette exposition est ainsi une oeuvre en soi.

Et il est assez jubilatoire de rentrer dans cette petite ville colorée qui n’est pas sans rappeler les dessins d’un Marc-Antoine Mathieu[1]. On se baisse pour passer sous une poutrelle, on monte des escaliers pour accéder à un point de vue surélevé, on entre dans une caisse pour découvrir une petite ville, on se perd un court instant dans un dédale noir. Il nous est même permis de jouer avec des modules en bois eux-aussi colorés et ainsi de créer un bâtiment miniature tout à fait fantaisiste.

Fabriquer la perception
A la différence d’un Felice Varini[2] qui peint sur la ville des formes géométriques surprenantes afin de révéler l’existant, Krijn de Koning transforme l’espace et crée une altération qui nous le fait vivre différemment. Ce n’est pas tant le regard sur les choses qu’il travaille, mais plutôt désaxe-t-il le corps grâce à une construction tout à fait artificielle. Ce faisant, il construit la perception que l’on porte sur son travail.

Car ses constructions labyrinthiques n’altèrent pas notre perception réelle sur les choses telles qu’elles sont. Fabriquées par l’artiste, ces sculptures présupposent chez nous une perception elle-même artificielle : elle pousse le visiteur à adopter une attitude joueuse, curieuse et ouverte à la surprise. Si cette exposition immersive offre au visiteur une expérience originale, elle ne pousse pas pour autant le regard soit au-delà, soit au-dedans de la réalité. Peut-être est-ce dû au fait que l’œuvre est restreinte dans un espace non monumental ?

Dans tous les cas, elle ne nous fait nullement jouir d’un angle nouveau sur l’architecture de ces anciennes pompes funèbres, ni ne nous permet un voyage au-dedans de la matière. La balade à laquelle elle nous invite n’est pas de celles qui bouleversent un point de vue, une certitude ou une prise de position, qu’elle soit mentale ou physique. C’est pourquoi cette œuvre reste finalement assez décevante.

Quentin GUISGAND

[1] Voir Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves (éditions Delcourt, Hors collection).
[2] Artiste suisse présenté à La Villette à partir du 15 avril prochain. Voir varini.org.

Krijn de Koning

Visuels copyright the artist / Le CentQuatre Paris

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