MARCELLINE DELBECQ, « SILENCE TROMPEUR », FONDATION RICARD
Marcelline Delbecq, «Silence Trompeur» / Fondation Ricard / Du jeudi 22 janvier 2015 au samedi 7 mars 2015.
« Qu’est-ce au fond que l’aura ? Un singulier entrelacs d’espace et de temps : unique apparition d’un lointain, aussi proche soit-il. Reposant par un jour d’été, à midi, suivre une chaîne de montagnes à l’horizon, ou une branche qui jette son ombre sur le spectateur, jusqu’à ce que l’instant ou l’heure ait part à leur apparition c’est respirer l’aura de ces montagnes, de cette branche. »Walter Benjamin
C’est peut-être pour nous faire saisir le sentiment de cette aura, « unique apparition d’un lointain aussi proche soit-il », que Marcelline Delbecq à placé en incipit de son exposition à la Fondation Ricard un tirage en couleur d’une photo qui donne à voir sa nature digitale, sans grande qualité matérielle, suffisamment grand pour déborder un peu le regard à distance normale, et nous faire approcher la sensation d’un être-là où le réel sourd de son substitut. Une qualité spécifique de lumière à travers les arbres qui n’aurait pu être saisie ailleurs et à un autre moment.
« Si l’oeil est une caméra, le cerveau en développe continuellement la pellicule, montée à sa suite par notre mémoire. En retournant et inversant les rayons de lumière, il procède à une tâche aussi discrète que prodigieuse pour que le monde nous apparaisse à l’endroit. Et là, dans cette camera obscura intérieure, nous échappe continuellement ce qui se produit : la mémoire imprime, coupe, raye, efface ou archive. D’un coup d’un seul, in the blink of an eye. » Marcelline Delbecq
Une mémoire peut être heureuse, malheureuse, voluptueuse, douloureuse, et parfois approcher, une neutralité qui ne saurait être totale ; les états de l’âme se fondent en un sentiment unique, sans amertume ni euphorie. Juste le sentiment, qui procède du souvenir, du temps qui passe, avec à l’intérieur de lui d’autres temps, des temps pluriels qui finissent par confluer.
L’écriture de Marcelline Delbecq est solidement arrimée à l’image visible, qui est tout à la fois image poétique et littéraire, qui à tout moment dit la porosité entre l’écriture et ce qui constitue l’image dans sa matière-même, et de la lumière qui convoie une sorte de sur-image, de tierce image qui existe à l’endroit précis de la rencontre de cette lumière et d’une surface sensible. Il y aurait trois états de l’image, le moment de la réalisation existant dans un interstice, n’existant qu’un infime moment que comme transition : mémorielle (neuronale), l’engramme ; celle de la vision oculaire ; le réel en tant qu’image, indépendamment de la vision.
Des images simplement épinglées au mur, librement disposées dans le format, donnant droit de cité au blanc, le blanc, on peut le supposer, d’une écriture pour le moment absente ou tue. La parole dite (image sonore) ou écrite peuvent exister ailleurs, pour elles-mêmes.
Yann Ricordel






















