FESTIVAL D’AVIGNON. « G.R.O.O.V.E. » : DANSE AVEC LES LOUPS

77e FESTIVAL D’AVIGNON : G.R.O.O.V.E. de Bintou Dembélé – Spectacle danse déambulation Opéra du Grand Avignon.

C’est sur la place surchauffée du Petit Palais que se retrouvent public et danseurs pour cette déambulation qui se déroulera en trois actes. Au centre, des spectateurs assis dans un silence religieux et abrités par les quelques platanes de la place, les danseurs et la chanteuse Célia Kameni (en alternance avec Cindy Pooch) investissent les lieux. S’en suivent une danse et un chant quasi ancestral qui ne peuvent que rappeler des périodes esclavagistes ou de ségrégation. Chacun peut comprendre alors qu’il sera ici question de culture populaire au sens le plus noble du terme, celle de la révolte et celle de la survie.  Les spectateurs sont alors invités à rejoindre l’Opéra du Grand Avignon pour continuer le voyage offert par la chorégraphe Bintou Dembélé.

Trois tableaux dans les entrailles de l’opéra et sur scène attendent un public scindé en trois groupes. La troupe de Bintou Dembélé aux origines multiethniques nous raconte la danse, pas celle de salon, mais celle issu des classes populaires par-delà les âges et les peuples. Quiconque voit ces danseurs dans le public, en train de danser comprend alors que Bintou Dembélé réussit là son pari, celui de gommer les frontières et d’effacer les conventions. La totalité des spectateurs se retrouvent alors plongés avec la troupe dans une création universelle. Ici pas d’appropriation culturelle interdite mais plutôt la démonstration que les cultures de chacun peuvent se mixer avec élégance et devenir à l’image de nos sociétés multiculturelles. Hip-hop, électro, voguing et K.R.U.M.P avec un écho aux derniers évènements dans les quartiers, redonnent évidemment à ce type de lieux culturels une origine populaire quelque peu perdue.

Qu’il s’agisse de guitare lap steel soutenue par la merveilleuse voix de Célia Kameni qui illumine l’opéra par sa présence solaire ou d’une vidéo explorant les danses des « sous classes » indiennes en passant par cette image puissante de pendus aux cintres de l’opéra, Bintou Dembélé réussit de la plus belle des manières à faire entrer dans ce lieu de convention – au travers d’une déconstruction et d’une réappropriation –  ces danses populaires qui entrent maintenant dans une nouvelle ère, celle où elles s’affranchissent des barrières sociales, sans tabous et sans peur. Si le groove est dans le cœur, nul doute que ce soir-là il l’était dans celui de tous les danseurs, chanteurs, DJ et personnes présentes à l’opéra pour ce moment festif d’espoir et de mémoire.

Pierre Salles

Photo C. Raynaud de Lage

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