FESTIVAL D’AVIGNON : « THE CONFESSIONS », CONVENU ET REBATTU

77e FESTIVAL D’AVIGNON « The Confessions » – Alexander Zeldin – La FabricA à 16h. – Du 16 au 23 juillet.
Deux heures dans la vie d’une femme
Jean-Pierre Sarrazac explique dans la Poétique du drame moderne que le drame moderne implique la bascule du « drame dans la vie » au « drame de la vie » : le drame DANS la vie ne couvre qu’un épisode limité, tributaire du temps humain, tandis que le drame DE la vie, qui peut s’établir à rebours ou être haché, s’étend jusqu’aux limites d’une vie complète, montrant comment le milieu, l’Histoire, la société interagissent avec le personnage. Le spectacle se construit autour d’un personnage bien précis, la mère du metteur en scène Alexander Zeldin. Il l’a interviewé pour l’occasion. Plusieurs tableaux se succèdent permettant d’évoquer les moments clefs de son existence. Parfois coupés abruptement pour permettre le changement de décor, on croirait assister à la projection des épisodes les plus signifiants d’une série Netflix : une jeunesse banale dans les années 1920, l’attente du bal avec les copines, l’échec à l’université, le peu de soutien de ses parents, le mariage avec un homme qu’elle n’aime pas vraiment afin d’assurer sa sécurité financière, sa vie de femme au foyer, sa vie de femme soumise et violentée, ses rêves, son émancipation, son envie de reprendre les études, de travailler dans l’art, ses voyages, ses rencontres… Encore en Australie, décrivant un tableau qui la touche, elle file une métaphore entre le personnage de la commedia dell’arte et sa propre existence, en lutte : le jeune Pierrot, marionnette tenue par des fils, se tient au bord du cadre du tableau, prêt à franchir ses barrières, à rencontrer un monde profondément différent de celui d’où il vient. Alice refuse elle aussi de rester spectatrice de son existence : elle s’échappe du cadre en choisissant celui qui lui plaît, s’empare de son propre corps et devient ainsi actrice de sa vie. Nietzsche et son « deviens qui tu es » n’est pas si loin, même si les injonctions, quelque soient leurs têtes, ça ne devrait pas trop nous enchanter. Le chemin de cette femme, jalonné de drames et de bonheurs, résonne avec beaucoup d’autres : bien qu’elle côtoie de plus en plus d’artistes et de joyeux trublions, son histoire n’a rien d’exceptionnel, mais à travers elle ce sont des milliers de femmes qui se trouvent représentées. Elles ont été nombreuses à prendre leurs fils en main, marionnettes d’un champ de forces pluriel et sans frontières.
Maintenant que les présentations sont faites que dire ? Jeu des acteur-ices ? Super. Mise en scène ? De même. Texte ? Oui très bien, vraiment rien à redire. Mais en sortant, il n’y a pas vraiment matière à converser. C’est un spectacle remâché, rebattu, déjà-vu, qui ne bouleverse pas grand chose, que ce soit du point de vue esthétique, politique, psychologique ou autre. Son aspect conventionnel ne l’empêche pas de plaire, puisque certains membres du public sont allés jusqu’à la standing ovation, simplement, moi j’ai besoin de confessions qu’on ne trouve pas sur internet, des sexes coupés ou je ne sais quoi mais des histoires capables de bouleverser mes yeux et de me donner envie de dire tous mes secrets.
Célia Jaillet
Photo C. Raynaud de Lage





















