FESTIVAL D’AVIGNON : »BLACK LIGHTS », HUIT FEMMES FORTES

77e FESTIVAL D’AVIGNON. Black Lights – Mathilde Monnier – Cloître des Carmes 22h. – Du 20 au 23 juillet 2023.
Huit femmes fortes
Le 8 est sans doute le chiffre porte bonheur de Mathilde Monnier puisqu’avec Black Lights elle est présente pour la huitième fois au Festival d’Avignon qui lui a réservé hier soir un accueil triomphal, et il y a de quoi…
Le plateau est recouvert d’un tapis de danse noir sur lequel sont posées des souches d’oliviers brûlés, calcinés… un état de désolation, une terre qui ne sais pas garder ses biens les plus précieux comme les arbres et aussi ses Femmes…
C’est le sujet de cet octuor féminin, tiré de la série H24 de sa comparse de toujours Valérie Urrea et de Nathalie Masdureaud toutes deux réalisatrices, documentaristes qui sont allées au contact des femmes qui ont subi des agressions de la petite invective de rue, mais qui choque la personne qui la reçoit, à des plus graves qui marquent à vie.
Dans ce décor quasi apocalyptique, la lumineuse avocate Isabelle Abreu arrive, souriante, tout de blanc vêtu, et elle narre une petite histoire banale, une histoire où un homme se permet de lui faire un compliment sur sa coiffure et où la jeune étudiante en droit sourit mais enrage de se laisser prendre à ce jeu…
Le spectacle est basé sur ces témoignages mais comme nous l’avait annoncé Mathilde Monnier dans un entretien qu’elle nous avait accordé* son projet n’est pas de nous faire pleurer – ou seulement ! – de nous révolter – ou seulement ! – de nous faire réfléchir – ou seulement ! – mais aussi de placer son propos dans son art, la danse et de faire aussi ressentir – surtout ! – à toutes et tous l’impact de ces gestes, de ces considérations de classe ou de genre, et elle y parvient…
Car, au-delà des mots qui seront prononcés par ces huit femmes qui apportent leurs témoignages retranscrits du réel – et c’est intéressant après Welfare de voir comment Mathilde Monnier a utilisé elle aussi un documentaire comme base de son spectacle et combien elle arrive mieux, avec la danse, à faire spectacle là où Julie Deliquet a semblé plus en difficulté à retranscrire les paroles de ces personnes défavorisées – il y a la danse reconnaissable de Mathilde Monnier, enchevêtrements de bras et de jambes au sol ou dans l’air, ouverture des cuisses jusqu’à écartèlement, impasse physique tout le temps montrée avec subtilité mais force, sans nous lâcher d’un pouce…
Alors, « les femmes sourient lorsqu’on leur dit qu’elles sont jolies ? »… Avec cette pièce et la mobilisation mondiale, la prise de conscience des gouvernements, de moins en moins. Elles reprennent leur place. Elles en revendiquent une nouvelle, même. Des pièces comme Black Lights les y aident, les y poussent, les y soutiennent… et elles pourront bientôt porter le Derby pour accueillir les clients des hôtels, décocher un coup de poing aux hommes qui leur manque de respect… Et cette réplique qui fuse « cesse de trembler, idiote », autocritique constructive qui donne à elle seule le ton d’une pièce forte, puissante, sans effet inutile, juste ce qu’il faut de véracité… Espérons que cela fasse (encore, et encore) réfléchir sur la condition des femmes dans le monde.
Emmanuel Serafini
Photo C. Raynaud de Lage





















