LE CIRQUE, CE N’EST PAS DU THEÂTRE !

Suzanne, une histoire du cirque – De Anna Tauber et Frangan Gehlker – La Bâtie Genève – 11 et 12 septembre 2024.

Le cirque, ce n’est pas du théâtre !

Lorsqu’on reçoit l’invitation de la compagnie L’association du vide à se rendre au Festival de La Bâtie à Genève, on se dit que ces artistes sont un peu présomptueux d’imaginer « raconter une histoire du cirque » qui plus est, en une heure à peine… Et pourtant, la force de ce spectacle c’est qu’ils y arrivent ! Et que c’est beau comme une tranche de vie… On peut donc remercier la grand-mère d’Anna Tauber qui connaît une amie qui connaît Suzanne, équilibriste toulousaine, moitié du numéro célèbre des Antinoüs.

Ainsi donc, Anna Tauber a vu du cirque, petite. Elle en garde un souvenir ému et profond mais pas au point d’en faire elle-même, d’être sur scène… Elle contribue à le produire en montant des tournées pour les autres. Elle raconte cette partie de sa vie façon conférence avec des interruptions imagées sorties de son écran…

Par le truchement d’amies d’amies, elle met la main – et disons le tout de suite, surtout sur son cœur – sur cette Suzanne. A travers son histoire, Anna Tauber, seule en scène, naturelle, sans autre artifice que son ordi et un micro, va commencer à dérouler une pelote de vie.

Il y aura des digressions, des allers-retours entre le cirque des années 50, alors à son apogée avec des espaces en durs quasi dans chaque villes et pléthore d’artistes prêts à se montrer ici ou là. Suzanne et son mari Roger sont de ceux-là… Sans formation particulière, ils règlent au péril de leurs vies, des numéros de trapèze qui valent aussi (pour ne pas dire surtout) par le risque qu’ils prennent à être sans sécurité, impensable aujourd’hui…

Ce qui marque dans ce conte c’est que, traversant les époques, Anna Tauber, aidée par le regard du circacien Fragan Gehlker, raconte la vie avec un grand H par le prisme de l’histoire – avec un petit h – d’une femme simple, drôle, vive et toujours vivante à plus de 90 ans…

On comprend assez vite que ce à quoi nous assistons est fort parce que nous sommes touchés profondément à la fois par la ténacité de cette bande de circaciens et à l’extrême simplicité de Suzanne… qui est montée à 6, 8 parfois 10 mètres pour se lancer dans un duo de trapèze volant avec son mari mécano !

On voit les années passées et au moment où on renoue avec les revues et cette Zizi Jeanmaire qui avait un truc en plume, on remarque la force et la présence du cirque jusqu’à l’avènement de la télévision et de cette Piste aux étoiles où Roger Lanzac lançait les artistes pendant que les cirques fermaient et les numéros se tarissaient…

Suzanne est donc bien une histoire du cirque. Une histoire de l’évolution de la société du spectacle, avec ce cirque, peut-être le grand perdant tant sa mémoire n’a pas été suffisamment conservée, mise en avant… N’est-ce pas à l’occasion d’une dédicace dans un livre d’or d’une exposition que Suzanne, toujours nature, mis inconsciemment au défi François, le passionné et qui a permis le plus beau sursaut dramaturgique pour un spectacle plein d’humanité, émouvant comme un numéro de cirque réussi ?

Emmanuel Serafini

Photo J.C. Leblanc

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