« SINCE I’VE BEEN ME » : BOB WILSON MAGNIFIE PESSOA

Since I’ve been me – Robert Wilson – Théâtre de la Ville, Paris – 5 au 16 novembre 2024.

A 83 ans, le metteur en scène américain Bob Wilson est une légende. Ses fréquents passages à Paris nous ont habitué à ses tableaux méticuleusement composés sur fonds colorés avec des silhouettes maquillées irréprochables (Le livre de la jungle, L’opéra de Quat’sous, Faust, Lulu et tant d’autres). Since I’ve been me ne déroge pas à la règle : les images se reconnaissent entre mille, la silhouette de femme se détachant d’un univers bleu à côté de l’ombre d’un arbre ressemble comme deux gouttes d’eau à une scène de Lulu. Le spectacle se démarque par son sujet : l’œuvre du grand écrivain portugais Fernando Pessoa, et par la variété des acteurs talentueux rassemblés autour du projet. L’œuvre et le modernisme du poète sont illustrés de manière vivante et vibrante, une belle invitation à se plonger dans un univers souvent méconnu.

Fernando Pessoa est né à la fin du XIXe siècle, et mort en 1935. Trilingue, il a beaucoup écrit en anglais, portugais et un peu en français. Il est notamment connu pour ses nombreux hétéronymes, noms de plume variés qui ont chacun une identité propre d’écrivain. Le spectacle navigue entre ces hétéronymes et des extraits de poèmes abordés en plusieurs langues, un assemblage hétéroclite qui peint un portrait par touches successives.

Fond de scène bleu et rayonnant, facilement reconnaissable. Une frêle silhouette arborant la moustache et le chapeau du poète nous attend en bord de plateau, un léger sourire aux lèvres. Viendront bientôt les fameux hétéronymes, tous avec leur physique et personnalité distincte. La galerie de portraits prend la pose, il y a un côté cabaret et show business dans la démonstration.

Les vers claquent, savamment répétés, histoire de donner du poids aux mots. « I know not what tomorrow will bring ». Les extraits de l’oeuvre de Pessoa s’égrènent au fil du spectacle, sans ordre apparent. Si la répétition ancre le texte, le côté multilingue peut perdre parfois. Les images sont puissantes, comme celles liées à la haine de la couleur rouge. Les résonances sont plus ou moins fortes, certains passages sont plus abscons que d’autres. Il n’en reste pas moins une belle association entre poésie, images et bande sonore.

La distribution est splendide, à commencer par Maria de Medeiros dans le rôle de Fernanco Pessoa, avec des talents multiples, dont le contre-ténor Rodrigo Ferreira qui lancera la chanson Since I’ve been me créée par Nick Sagar pour l’occasion. Tous se plient à la direction millimétrique du metteur en scène américain, avec des arrêts sur image impeccables sur chacun des tableaux.

Emmanuelle Picard

Photo Lucie Jansh

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