VOL AU DESSUS D’UN NID DE COUCOU : STEPHANE DEURAT REPREND KEN KESEY

« Vol au dessus d’un nid de coucou » / Ken Kese / mise en scène Stéphane Daurat / Theatre 13 Paris / jusqu’au 15 avril.

Mettre en scène un culte comme Vol au dessus d’un nid de coucou veut dire prendre le risque de tomber dans le déjà vu. Ressusciter le célèbre roman de Ken Kesey pour la scène théâtrale afin d’en faire une histoire captivante requiert un talent non négligeable. Cependant Stéphane Daurat, metteur en scène et acteur de la pièce dans le rôle de Martini, y parvient brillamment.

Le public applaudit maintes fois tout au long de la représentation, il s’émeut. Ses murmures semblent vouloir encourager et supporter les patients de l’établissement psychiatrique tout en oubliant qu’il s’agit de comédiens en train de jouer leur rôle. Mais si le déroulement de l’histoire est bien connu et la construction de la scène qui inclue personnages, costumes, décors, décalque le film de Milos Forman de 1974, Qu’est-ce qui rend cette pièce si passionnante ?

L’incontestable habileté des comédiens est l’une des réponses. Ces talents sont réunis dans la compagnie Caravane dont l’esprit se concrétise dans un théâtre qui renvoie à l’humanité. Pour y parvenir la compagnie prend en considération les hontes, les joies, les angoisses, les fiertés, les incohérences et les espérances de cette humanité.

Dans Vol au dessus d’un nid de coucou chacun d’entre eux met en scène une part de cette humanité, en insistant sur ses failles.Comme l’un des personnages souligne lors d’une des séances de thérapie de groupe, le service de psychiatrie, dans lequel se déroulent les vies de ces hommes, devient l’allégorie de notre société. Ainsi la réflexion sur l’homme et sur la société où nous vivons dépasse rapidement le cadre de l’hôpital psychiatrique. Voici la réussite de cette mise en scène : l’histoire est encore aujourd’hui d’une actualité remarquable. Les potentialités des relations humaines et de la solidarité sont mises en valeur dès le début et leur puissance dépasse les règles perverses et aveugles que l’institution psychiatrique représente. Comment ne pas trouver actuel ce discours aujourd’hui où la reconnaissance de la souffrance de l’autre et la nécessité d’une intervention sont mises en danger, voire stigmatisés.

Le personnage de Chef Bromden, replié volontairement sur soi-même, parait avoir perdu toute confiance envers l’homme. Toutefois ses mots semblent être prononcés pour ce public en salle, dans l’espoir d’un changement, et puisque il est le seul à parvenir à la liberté, il incarne l’espoir. Ce prophète, lors de ses réflexions solitaires, nous confie la terrifiante vérité : nous sommes les produits de leurs échecs. Ces mots franchissent le contexte de la petite société – hôpital psychiatrique où il est enfermé pour parler du destin de tous les hommes de cette société.

Les lapins dont parle le personnage de Herding sont les faibles pour lesquels il n’y a pas de place, tous ceux qui ne rentrent pas dans les cases de la normalisation opérée par la société. Comment donner voix à ceux qui aspirent à la liberté ?

Le docteur Spivey, garant de la protection et de la réhabilitation des patients, est un personnage muet qui ne prend pas ses responsabilités face à la souffrance et aux abus. Il devient la métaphore de l’impuissance des institutions et des politiciens dont les échecs sont pour l’homme source de solitude et désillusion.

La pièce rejette la facilité avec laquelle l’homme est étiqueté ainsi que la barrière entre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. L’écoute et la confiance en l’autre sont des valeurs mises en premier plan. Tout cela fait la force de cette pièce : en tant qu’hommes nous avons besoin de voir réhabilitées ces valeurs. C’est pourquoi le choix de mettre en scène Vol au dessus d’un nid de coucou aujourd’hui est visiblement aussi pertinent que souhaité.

Cristina Catalano

jusqu’au 15 avril au Théâtre 13 – Paris / rens. : www.theatre13.com/

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