EROTOKRITOS, OU LA RESURGENCE D’UN PASSE QU’ON POUVAIT OUBLIER

erotokritos

Erotokritos / texte de Vitsentzos Kornaros / Mise en scène de Claude Buchvald / en tournée en 2013.

Il arrive souvent que les metteurs en scènes cherchent à faire rejaillir un texte ou une légende oubliée aux tréfonds de la bibliothèque universelle. Cela a fortiori quand la metteuse en scène est aussi professeure d’université. Et comme souvent, ces histoires pourraient rester à leur place dans les livres d’histoire et ne nous être pas infligées en grande pompe (9 acteurs au plateau, scénographie imposante…).

En effet, quel est l’intérêt en 2013 de porter à la scène l’histoire de Rotokritos (le pauvre) et d’Arétuse (la riche) qui ne peuvent s’épouser pour cause d’un père oppresseur ? Les amours heureuses de Kate (la roturière) et William (le prince) dans Gala ne sont pas loin… Comment et pourquoi quatre co-producteurs du Languedoc-Roussillon (deux scènes nationales, une scène conventionnée et un théâtre municipal) ont décidé d’investir autant d’argent dans une bluette, certes agréable, mais qui ne nous raconte rien de notre société d’aujourd’hui?

Hormis la traduction de Robert Davreu, apportant une langue simple et fluide qui rend supportable l’écoute, ce spectacle ringard et scolaire à souhait n’apporte pas grand-chose, tant sur le plan poétique que politique. Les deux rôles principaux sont triplés, comme pour les présentations de travaux d’élèves en collège, mais cela n’enrichit en rien la compréhension des personnages : les trois réagissant en même temps aux mêmes choses. Dans une diction toute vitezienne (le côté ringard), s’enchainent les poncifs formels du théâtre grec ou de l’amour courtois (avec skéné, proskênion, organisation hiérarchique de la société) et sont éludés tout ce qu’il est intéressant de garder dans ces histoires millénaires (de grandes thématiques universelles, la question de l’Ubris qui ramène l’humanité à sa place, le rapport entre l’acteur et le chœur).

Une triste soirée, mais qui finit bien, Rotokritos le bon soldat ayant droit à sa belle après de hauts faits guerriers. Moralité : faites la guerre, soyez un bon soldat du pouvoir et vous pourrez vous taper bobonne, voilà qui est réjouissant, à l’orée de 2013.

Bruno Paternot

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