« ANTICORPS » : IMPRESSIONNANT ANTOINE D’AGATA AU BAL

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ANTICORPS : ANTOINE D’AGATA / le BAL, Paris / Jusqu’au 14 avril 2013.

Depuis le 24 janvier, Antoine d’Agata a investi le Bal avec son exposition Anticorps. Fannie Escoulen et Bernard Marcadé, les commissaires de l’exposition, ont fait une sélection d’images parmi des milliers et ont proposé un accrochage qui repose sur le principe du All Over. On pourrait craindre une indigestion mais ce n’est pas l’effet produit : retour sur une expérience à vivre.

Des murs blancs, un sol gris, des palettes des groupes de quatre affiches empilées et une projection d’une vidéo, voici ce que vous trouverez dans la première salle de l’exposition au rez-de-chaussée du Bal. Sur les affiches, que l’on peut emporter, on peut lire notamment : « n’est valide qu’un art nuisible, subversif, asocial, athéiste, érotique et immoral, antidote à l’infection spectaculaire qui neutralise les esprits et distille la mort » ou encore « les seuls points de repère sont quelques images rescapées », etc.

La vidéo est particulière : pas d’images, pas de figures, personne n’apparaît, seul les sous-titres des voix que l’on entend dans l’espace. Ces voix de femmes racontent leurs vies. Il y est question de mort, de violence, de sexe, de cette petite mort que l’on recherche dans le sexe, de l’oubli qu’il peut y avoir aussi au moment de la jouissance. Aux paroles, aux sons, aucune image ne se réfère, à nous de les imaginer et d’essayer de les décrypter. Mais comment comprendre des phrases telles que: « pour me rencontrer, tu t’es détruit toi-même », « je veux que ma peau devienne vivante », « les hommes n’ont pas de visage, des corps sur lesquels je m’allonge », « mais ma colère n’a pas de limites », « je m’offre au monde comme une blessure ouverte » ou encore « tu viens à moi encore une fois parce que tu n’as pas le choix » et aussi « les hommes passent à travers moi, je sens leur désir qui va et vient » ? Poétiques, ces phrases sont aussi des constats d’un monde honni, abandonné par les élites bourgeoises de nos sociétés capitalistes préférant ignorer ce qu’ils ne souffrent pas de voir.

Antoine d’Agata, est un photographe né à Marseille en 1961. En 1990, il suit l’enseignement de Larry Clark et Nan Goldin à l’International Center of Photography à New York et a remporté le prix Niepce pour son œuvre en 2001 et a publié plusieurs ouvrages tels Vortex, Insomnia, Stigma, etc et tourne aussi des films.

Dans la première salle, on est mis face à des sons, une sorte de grand vide, des préliminaires qui préfigurent de la violence à laquelle on va être confrontés ensuite. Dans le sous-sol du Bal, du sol au plafond, les murs de cet espace monumental sont recouverts d’images : des corps nus, des visages, du sexe, des armes, la guerre, des squelettes, des portraits de gens pleurant, amochés, des paysages, des photos d’architectures, etc. recouvrent tous les murs en un « all over » hypnotique.

Antoine d’Agata parcourt le monde avec son appareil photo et le photographie au grès de ses errances. Il est sans concessions, ce qu’il montre est dénué de filtres, il montre la société dans toute sa brutalité et sa cruauté. Du sexe, on en voit dans cette exposition, des corps jouissants, souffrants, brutalisés, torturés mais, on ne peut pas dire que l’on est face à une œuvre érotique ou pornographique : il s’agit d’une œuvre politique qui plonge dans les tréfonds d’un univers que l’on feint d’ignorer mais qui gronde dans son antre, qui souffre, baise mais surtout existe.

Antoine d’Agata, au grès de ses rencontres, de ses recherches d’images et des collages hétéroclites qu’il effectue dans cette exposition Anticorps au Bal, nous propose une vision du monde où tout se vend quel qu’en soient le prix et les conséquences, un monde où l’aliénation est à son comble et où l’humanité dans son honnêteté est peut-être là où il va, dans l’intimité d’un monde cru, brutal, animal, en souffrance : « les zones de non-droit sont des territoires de tous les écarts, refuges de spécimens d’humanité blessée, espace clos et privilégié ou la bestialité sape la bienséance et les règles sociales. » nous dit-il.

Cécile R.

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Visuels :
1: Vue de l’exposition ANTICORPS © Pascal Martinez
2: Antoine d’Agata, Tokyo, 2008. © Antoine d’Agata – Magnum Photo. Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire, Paris
3: Antoine d’Agata, Nuevo Laredo, 2005. © Antoine d’Agata – Magnum Photo. Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire, Paris
4: Antoine d’Agata, Phnom Penh, 2009. © Antoine d’Agata – Magnum Photo. Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire, Paris

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