L’ART ITALIEN AU RABAIS : L’ENCHERE DE BONAMI A NEW YORK EMBARRASSE
L’art italien au rabais : l’enchère de Bonami à New York embarrasse par Raja El Fani
C’était un rendez-vous annoncé depuis le début de l’année: le curateur florentin devenu américain Francesco Bonami, sorti de la revue d’art Flashart, a organisé une enchère 100% italienne chez la maison anglaise Phillips à New York la semaine dernière. Comme on peut lire dans le catalogue, Bonami est parti des artistes de son exposition au Palazzo Grassi en 2008 à Venise, rebaptisée ici « The Great Wonderful: 100 years of Italian Art », encore un titre inspiré du film oscarisé de Paolo Sorrentino.
En Italie tout le monde parle d’un flop total, les revues d’art comme les journaux d’économie sont catégoriques: n’était-ce pas prématuré de la part de Bonami de lancer un siècle d’art contemporain italien en bloc sur le marché alors que l’institutionnalisation est encore en cours?
Le lot de Bonami comprenait 64 pièces avec pourtant des valeurs sûres comme les artistes italiens consacrés à la Biennale de Venise Mauri et Pascali (invendus), des infaillibles comme Balla, Fontana (invendu) et Castellani, ainsi que Boetti et Penone, des artistes de tendance comme Cattelan (invendu) ou Vezzoli et enfin des new entry tentées par Bonami.
Un tiers du lot est resté invendu, l’ensemble a atteint un total de 15 millions de dollars, bien en dessous du total estimé. Mauvaise publicité pour l’art italien, le directeur de Phillips Ed Dolman a lui-même défini l’enchère de Bonami «expérimentale».
Le marché a répondu à l’empressement de Bonami d’une manière somme toute cohérente (avec quelques exceptions), en misant surtout sur les artistes reconnus sans se laisser convaincre par les artistes encore inconnus. Si l’intention était de s’avantager des grands noms pour vendre des artistes émergents, comment Bonami a-t-il pu penser que le marché puisse se passer des garanties institutionnelles?
Certaines revues d’art jugent l’opération de Bonami plutôt improvisée pour ne pas dire amateur. Certes, la politique culturelle en Italie demeure figée et indécise, les objectifs sont ambigus et les structures insuffisantes, ce qui engendre une légitime impatience, mais l’enchère embarrassante de Bonami est la preuve que toute initiative doit toujours partir en amont et que le marché n’est pas un monde parallèle ni complètement autonome.
Le monde de l’art italien indigné s’inquiète surtout des conséquences de l’enchère de Bonami sur la valeur des grands artistes, plutôt mal représentés. La pièce de Mauri en mauvais état n’a logiquement pas été vendue, signe que la qualité est encore à la base des spéculations. Une belle leçon.
Raja El Fani






















