OF SLICE AND MEN : FESTIVAL EXPLICIT, MONTPELLIER
Of slice and men : Festival Explicit, CDN HTH Montpellier
Le Festival Explicit, présenté au CDN Humain trop humain (direction Rodrigo Garica) a convoqué pendant 3 jours à Montpellier une foultitude des formes pour traiter des représentations explicitement sexuelles aujourd’hui. Spectacles, entretiens, lectures, performances, films etc. Pour être en accord avec ces différentes facettes, on rendra compte de ces trois jours de trois façons différentes : un entretien avec Matthieu Hocquemiller, le co-penseur de cette manifestation avec Marianne Chargois ; un retour critique des trois spectacles présentés et enfin une tribune sur le glissement de l’imagerie pornographique masculine gay en ce début de XXIe siècle :
L’imagerie du porno s’est déplacée avec le 21ème siècle ou plutôt avec le siècle 2.0 : les grands producteurs du 20ème siècle ont perdu leurs grands pouvoirs et désormais, la création d’images, de flux, d’énergie, de signes et de signaux passe par les sites de partages. C’est Youporn et consorts qui font la loi dans l’imaginaire sexuel des gens. Plusieurs analyses sociologiques montrent comment certaines pratiques -de l’éjaculation faciale à l’homosexualité féminine ponctuelle, de la double pénétration entre hommes à 50 nuances de SM-, parce que répandues dans les films pornos ont été acceptées auprès de publics très divers et variés. Ce glissement de côté du porno, glissement médiatique, économique mais aussi esthétique, nous donne à penser sur l’évolution de notre société en ce début de millénaire.
Nous sommes passés d’une création de l’imagerie verticale (et donc hiérarchique) à une créativité horizontale (donc à priori plurielle, foisonnante, indépendante, libre et libertaire). Nous sommes passé d’une création de fantasme imposé, vendu par de grandes sociétés productrice de fantasme à un imaginaire offert par Jacquie et Michel puis par GrindR et autres sites de rencontres. Sur ces sites, chaque utilisateur fournit à qui veut des photos plus ou moins explicites, plus ou moins trash.
Or, le réel, qui déjà amoindrit la variété du fantasme, qui racornit la pluralité des plaisirs dans l’industrie pornographique, se trouve maintenant en maître incontesté du désir qui a pour objet très clair et très identifié les parties concrètes et palpables de l’autre et qui se prive des moyens esthétiques de l’inventivité. Les sites de vidéos se retrouvent diffuseurs de films au rabais qui, à de rares exceptions près, filment mal des acteurs moches sans scénario ni décors. Ce mètre-étalon (si l’on peut dire) tire toute la chaine de production vers le bas et la qualité s’en ressent.
Comme elle l’a fait pour l’industrie du disque, en s’emparant du porno, la toile apporte les mêmes qualités -exiger de la profession qu’elle soit plus inventive et travailleuse – mais impose au genre les mêmes contraintes notamment économiques: une surabondance de flux sans réflexion au long court, de l’image standardisée et un manque d’ambitions qui coince le fantasme dans la consommation rentabilisée plus que dans une imagination constructive et constitutive d’une identité. On ne naît pas humain, on le devient, et il est à supposer qu’on est un humain un peu plus plein, un peu plus enviable quand le feuilletage de nos désirs, de nos fantasmes et de nos passions se remplit de couches différentes, inassouvies et vivaces.
L’enjeu est pourtant de taille : comme dans la presse en ligne ou dans les blogs internets qui permettent un véritable démocratie participative, c’est à tout un chacun de devenir le propre percepteur de ses désirs. C’est aussi un formidable moyen de démocratiser le fantasme en multipliant les possibilités, en les croisant, en les étudiants.
En mélangeant les genres, de la performance arty explicitement sexuelle aux images de porn mainstream, le Festival Explicit permet ces ponts, ces passerelles entre les différentes propositions pour les mêler, apporter différents éclairages et ajouter de la complexité dans l’histoire. Demain, tous pornographes ?
Bruno Paternot























