77e FESTIVAL D’AVIGNON : « WELFARE » EN OUVERTURE DECEVANTE DU FESTIVAL

77e FESTIVAL D’AVIGNON. « Welfare » De Frederick Wiseman, adaptation et mise en scène de Julie Deliquet au Festival d’Avignon 2023 du 5 au 14 juillet à 22h00 dans la Cour d’Honneur du Palais de Papes.
Adapté du documentaire « Welfare » de Frederick Wiseman, le spectacle présenté par Julie Deliquet colle malgré elle à l’actualité brûlante de ces dernières semaines. Beaucoup d’attente pour ce spectacle d’ouverture tant les questions sociales liées à la pauvreté et à la détresse des gens sont au cœur des débats actuels. La minute de silence demandée par la metteuse en scène sous les yeux de notre ministre de la culture pour le jeune Nahel plonge les spectateurs un peu plus dans la brutalité de ces derniers jours et adoube la transposition de Julie Deliquet.
Le plateau de la Cour d’Honneur se transforme pour l’occasion en un gymnase de ville dévolu par les autorités en accueil social d’urgence. La metteuse en scène avait d’ailleurs l’idée d’utiliser un vrai stade comme décor de son spectacle. Pour le coup, la Cour d’Honneur remplit parfaitement la fonction de par ses dimensions imposantes. Au fil du spectacle, les différents comédiens prennent leur place et utilisent habilement l’espace, les uns en « guichetiers sociaux », les autres en usagers désespérés, égrenant pour les uns les lois devant s’appliquer et pour les autres les détails d’une vie partie en lambeaux et ce besoin impérieux de trouver aide et humanité.
Soucieuse de ne pas tomber dans le pathos, Julie Deliquet et ses comédiens savent nous faire rire de ces situations ubuesques où ces personnages au bord du gouffre se heurtent inéluctablement à une écrasante bureaucratie incapable ou dans l’incapacité d’entendre leurs cris et leur besoin d’aide. Difficile dans ces conditions de ne pas avoir d’empathie pour ces êtres déchirés voués au sombre destin, cloués à la porte de nos sociétés sans possibilité de retour à une vie normale. Pourtant ils étaient chacun de nous il y a peu et la démonstration que tout le monde peut passer de l’autre côté du miroir devient évidente. Chaque cas identique et pourtant si différent s’enchaîne dans une constance qui peu à peu passe malheureusement de la lourdeur à un sentiment de lassitude. Julie Deliquet ne parvient pas au fil du spectacle à sortir d’une mise en scène d’une flagrante platitude. Alors que le documentaire peut prendre aux tripes, son adaptation théâtrale laisse malgré tout le public bien assis au fond des fauteuils confortables de la Cour d’Honneur sans jamais happer dans les abysses de ces récits pourtant forts et terribles. Julie Deliquet laisse le public au bord de la route sans jamais parvenir à l’embarquer avec elle. Les comédiens, tous excellents, portent à bout de bras la mise en scène et parviennent, eux, à nous extirper quelquefois d’une torpeur grandissante.
Déception pour un spectacle d’ouverture bien sûr toujours très attendu. Les timides applaudissements et commentaires endormis des spectateurs bâillant à la sortie de la Cour d’Honneur ne démontrent pas l’échec mais juste le fait certain que ce spectacle ne fera pas date dans le Festival d’Avignon. Il manque assurément une âme, un élan et une puissance invisible à ce spectacle pour pouvoir toucher profondément le cœur du public. L’alchimie n’a pas eu lieu ce soir-là sous le ciel d’été du Festival d’Avignon.
Pierre Salles
Photo C. Raynaud de Lage / Festival d’Avignon





















