FESTIVAL D’AVIGNON. « LE SONGE », BON SHAKESPEARE A CIEL OUVERT

77e FESTIVAL D’AVIGNON. Le songe – Mise en scène : Gwenaël Morin – Jusqu’au 24 juillet – Jardin de la rue de Mons à 21h30.
« Mourir, dormir, rêver peut-être » écrit Shakespeare des années après Le songe d’une nuit d’été, poursuivant ainsi une réflexion entamée sur la pluralité des dimensions et l’altération des états de conscience. Le jeu sur les frontières entre réel et fantastique est au centre de cette pièce, et la mise en scène excellente (cette année dans le OFF) de la compagnie Point-Zéro exploite au maximum cette brèche. Chez Morin (dans le IN donc) au contraire, nul désir de déployer une myriade d’effets technologiques et scéniques pour signifier le passage du royaume des hommes aux royaumes des fées : un collier de lianes, une simple toge blanche, cela suffit. Le plateau sans tréteaux est posé à même la poussière : étendu sur une large cour, de vrais arbres constituent la forêt, aux pieds desquelles les cailloux font mal au dos quand on s’y couche. C’est avec une grande simplicité que les quatre acteur-ices (et deux figurants) incarnent une myriade de personnages différents, des comédien-nes débraillé-es à la reine Titania en passant par les quatre amoureux écervelés qui décident de se perdre en forêt pour mieux se retrouver.
Cette nudité de la mise en scène permet une grande sincérité dans l’incarnation, même poussée à son extrémité. Les comédien-nes courent, se cognent contre les arbres, s’enroulent dans la poussière, renversent le tableau qui sert de maigre décor – rêveries de promeneurs plus ou moins solitaires, qui s’agitent, lyrisme au bout des doigts. On trouve une référence assez claire à la mise en scène de Peter Brook : le bras glissé dans l’entre-jambe de Bottom pour représenter très subtilement une érection. À un moment donné, ils se sont avancés si près du premier rang que j’ai pu les toucher. L’absence de micro, très rare dans les pièces du IN, les rend proches des spectateur-ices et ne les dessert nullement, ils peuvent tout accomplir. Face public, les yeux graves, sans regarder leur partenaire : les scènes d’amour en duo ne perdent rien de leur poids. Beaucoup de gestes et d’instants me resteront : l’ensorcellement de Bottom par Tatiana – danse bacchanale décousue par l’épure – le visage extatique, bourré d’innocence, d’Helena, jouée par une actrice absolument fantastique ou encore la nuit qui se fait d’un seul coup, au milieu d’une réplique, comme un clignement d’œil. Une mise en scène qui sert en somme à merveille le texte de Shakespeare, dans un lieu proche des cigales et de la nuit et où l’on a pas besoin de fleur magique sur les paupières pour aimer le spectacle.
Célia Jaillet
Photo C. Raynaud de Lage





















