BIENNALE DE DANSE DE VENISE : ETATS MODIFIES ?

Venise, de notre envoyé spécial

17ème Biennale de danse de Venise – « Altered States » – 13 – 29 juillet 2023 – Direction Wayne McGregor.

États modifiés ?

Finalement, il régnait un air d’Asie à la fin de cette 17ème Biennale de Venise, naguère succursale de la danse américaine et d’ailleurs, les habitudes ont la vie dure, puisque c’est à Simone Forti, une des pionnière de la post modern dance américaine, qu’a été remis à l’ouverture de la Biennale, un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière…

Du même contienent, était présente la québécoise Andréa Pena. La compagnie Cubaine Acosta Danza quant à elle a montré, pour la première fois en Italie, une pièce de Micaela Taylor, une reprise de Sidi Larbi Cherkaoui et des pièces de Alexis Fernandez et Javier de Frutos.

La scène britannique était bien représentée avec Botis Seva, Michael Keegan-Dolan et, pour la seconde année à la Biennale, l’irlandaise Oona Doherty. Et pour, démontrer son attachement à la danse française, Wayne McGregor, qui signe la programmation, a invité Rachid Ouramadane qui présentait « Variation(s) ».

Quelques italiennes et Italiens sont tout de même présents comme Luna Cenere, lauréate du Prix de la Biennale pour une nouvelle chorégraphie, avec, en première mondiale sa création « Vanishing Place ».

Pour notre part, nous sommes arrivés au moment de la seconde représentation mondiale de la création du suédois Pontus Lidberg avec sa pièce « On the nature of rabbits » qui faisait penser à une version revisitée d’Alice aux pays des merveilles, mais pour les hommes, avec force suggestions et simulations d’actes sexuels sur un pauvre lapin en peluche qui n’en demandait pas tant, des hommes bossus, des ballons bleus… Une idée simple mais qui a eu l’air de plaire au chorégraphe qui l’utilise dans sa version aussi bien mono-robinet que double robinet : un ballon noir percé , gonflé d’eau, qui est tantôt source de jouvence, tantôt jet humain et qui revient plusieurs fois dans cette pièce laborieuse qui ne présentait pas un grand intérêt.

Une des particularités de la Biennale est de lier les spectacles à  la formation de jeunes danseurs qui sont placés dans cette Academia ou collège de danse et Wayne MacGregor les confronte à des créations ou à des reprises comme ici une version pour 16 danseurs du célèbre « Duo », une pièce de 2015 du chorégraphe américain William Forsythe, qu’ont repris Riley Watts et Brigel Gjoka. Exécutée dans un silence absolu, un moment de comptes et de parties à deux, largement dédoublées, qui ont l’air de faire plaisir aux danseurs mais qui n’offrent pas un grand intérêt au-delà de l’exercice pour eux-mêmes. La création a, elle, été confiée à la chorégraphe chinoise Xie Xin qui, à partir d’un duo impossible entre un homme et une femme, dirige les danseurs dans une pleine ombre pénible à force, mais qui permet à toutes et tous d’être vu(e)s et présent(e)s dans cette pièce un peu kitsch et inutilement compliquée.

Il n’est pas innocent de la part de l’australien Wayne MacGregor de donner sa chance à des compatriotes et c’est à sa congénère Lucy Guerin qu’il s’acquitte de sa solidarité continentale…

Elle a donc présenté une pièce très inspirée de l’Asie, là aussi, avec une installation saisissante de bols tibétains de différentes tailles, posés à l’envers sur des longues tiges de fer reliées aux cintres et ceci sur la totalité du plateau… Pour esthétique – et beau, il faut le dire – qu’elle est, cette installation contraint l’écriture de la chorégraphe et la danse de ses danseuses qui, une fois qu’elles ont activé ces bols de gauche à droite, de bas en haut, à des vitesses vairées, dansées en dessous, autour ou à côté, il est difficile de déterminer l’ampleur créative de cette chorégraphe qui pour spirituel qu’est son « Pendulum », présenté pour la première fois en Europe, ne nous donne aucun indice là-dessus…

Le clou de cette édition était sans nul doute la présentation de trois pièces du chorégraphe chinois Tao Ye et de sa compagnie Tao Dance théâtre, souvent présentée en Europe.

Pour débuter cette mini rétrospective, Wayne MacGrégor a décidé de présenter dans l’ordre, « 11 », pour la première fois donnée en Italie. Il s’agit de sa onzième pièce – puisque le chorégraphe a décidé de nommer ses pièces dans l’ordre de création, la première portant le titre de 1 – mais aussi, une pièce imaginée pour onze danseuses et danseurs.

Dans le somptueux théâtre Malibran de Venise, on découvre une boîte noire avec un tapis blanc qui accueille une longue ligne de danseuses et danseurs qui ne se fracturera qu’au bout d’une vingtaine de minutes pour utiliser le solo d’un danseur, assez remarquable dans sa qualité et sa présence, comme point de séparation en deux groupes de cinq. Le début subjugue dans cet entêtement à créer cette ligne du lointain à la face et de la faire aller de cour à jardin et dans l’autre sens…

La danse est faite de ports de bras, de gestes parfois lents ou assez rapides, accentués par les costumes noirs, au long trait blanc dans le dos… Accumulations de couches avec un long manteau et pantalons bouffants qui accentuent les gestes et augmentent la présence de chacun…

Si l’ensemble est beau, il est un peu vain et ce n’est pas la meilleure pièce de Tao Ye, qui semble un peu contraint par cette écriture qu’il n’a pas décidé de trahir, alors, à force, cela lasse. Il faut attendre la toute fin pour que le groupe s’éclate sur toute la scène. Les danseurs s’en donnent à cœur joie. Ils montrent à la fois leur dextérité et leur personnalité.

Peut-être que les pièces 13 et 14, présentées le lendemain en première européenne, permettront de mieux cerner le talent de cet artiste qui semble bien en peine en Chine de développer son travail, faute d’aides du gouvernement ; profitons donc de voir ce travail avant qu’il ne puisse plus le mener.

Emmanuel Serafini, envoyé spécial à Venise

Image: « 11 » de Tao Ye, Biennale de Danse de Venise 2023 – Copyright La Biennale Danza 2023

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