FESTIVAL D’AVIGNON : « ABSALON, ABSALON ! » SEVERINE CHAVRIER SE MESURE A L’OEUVRE TITANESQUE DE FAULKNER

ABSALON ABSALON

 

78e FESTIVAL D’AVIGNON – « Absalon, Absalon ! » Adaptation et mise en scène de Séverine Chavrier d’après William Faulkner – du 29 juin au 7 juillet à 16h à la FabricA – durée : 5h.

Directrice de la Comédie de Genéve, Séverine Chavrier s’est attelée au titanesque en proposant cette adaptation et mise en scène du livre éponyme de William Faulkner. Loin d’en proposer une simple lecture, la metteure en scène livre un panel enivrant de sensations et d’images d’un sud américain maudit et moite.

C’est au travers de bribes de vies passées, de mémoires floutées par le temps que prend forme l’existence de Stupen, démon sorti de nulle part dont le seul but dans la vie devient la reconnaissance sociale et, au-delà de sa mort, l’absolue nécessité de laisser au monde une lignée comme un désir d’immortalité. Stupen débarque un beau jour dans ce sud où tout lui semble possible et, sans que l’on ne sache comment, parvient à acquérir auprès d’un indien des hectares de terres pour y bâtir son royaume par la force, le sang et l’inceste.

Entremêlant sans cesse les époques et les points de vues, Séverine Chavrier offre d’avantage une série de tableaux qu’une adaptation littéraire. La metteure en scène esquisse là où certains auraient forcé le trait. Usant et parfois abusant de vidéo, l’épopée tragique se déroule lentement sous les yeux d’un public embarqué volontaire sur les sinuosités d’un moite Mississippi. Les récits et les époques se chevauchent et s’entremêlent pour donner vie à ce sud né de douleurs et de cris étouffés.

Il faut bien 5 heures, découpées en 3 parties de durées quasi-équivalentes, pour parvenir à plonger dans ce récit de plusieurs vies porté par une troupe de comédiens danseurs investis et d’Armel Malonga, bassiste et chanteur live. Séverine Chavrier semble plus donner un cadre à ses comédiens et créateurs que de formelles instructions de jeu, chacun donne alors l’impression au public de s’être approprié la pièce et de se fondre avec elle. Impossible de ne pas citer Quentin Vigier à la vidéo et Germain Fourvel, créateur à la lumière, qui à euxdeux parviennent réellement à donner vie à ce sud, inquiétant, sauvage et destructeur, à cette guerre de sécession qui brûle tout sur son passage en laissant des marques indélébiles. Sur scène, peu d’éléments mis à part deux voitures et un billboard géant permettant d’imaginer la structure d’une immense maison mais aussi offrant au vidéaste un lieu modulaire de création vidéo en direct. La démesure du billborad tranche alors avec les images intimistes joués à l’intérieur même de la structure et projetées en live, l’intime s’entremêle alors avec la grande histoire, les effets vidéos permettant d’ajouter le flou nécessaires à ces récits croisés dans le temps et l’espace.

Il va sans dire que Séverine Chavrier apparaît là davantage comme une chef d’orchestre improvisant plus que ne suivant une partition déjà écrite. La metteure en scène donne l’impression d’avoir su trouver les meilleurs talents au service de sa vision et de son désir d’offrir plus de sensations à fleur de peau qu’une simple adaptation.

Une création protéiforme à découvrir au Festival d’Avignon ou à la Comédie de Genève dés janvier 2025.

Pierre Salles

Photo C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon

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