VENISE : DEUX EXPOSITIONS DE LA COLLECTION PINAULT POUR SE RESSOURCER

Collection Pinault Venise – Palazzo Grassi & Punta della Dogana : « Ensemble », Julie Mehretu, Jusqu’au 6 janvier 2025 / « Liminal », Pierre Huyghe, jusqu’au 24 novembre 2024.
Si on est à Venise, on peut s’arrêter à la Collection Pinault qui dispose de deux merveilleux espaces, un classique sur le grand canal, avec ce Palazzo baroque aux plafonds à caissons restaurés et un autre plus « moderne », à la pointe de la douane, tout en briques de Venise. Les deux sont ressourçants…
ENSEMBLE
Le Palazzo Grassi propose une gigantesque exposition de Julie Mehretu, une artiste américaine née à Addis-Abeba en Éthiopie. La richesse des œuvres exposées est impressionnante tant par le nombre de toiles rassemblées que par la facture des œuvres montrées… Il y a des pièces noir et blanc réhaussées de couleurs vives ou fluo vert, orange ou rose comme cet « Iridium Over Aleppo » ou encore « Chimera », toutes avec ces blancs et noirs profonds .. Elles sont mises en regard de celles de Davis Hammons, déjà présentées, mais toujours aussi étonnantes comme ce vêtement de geisha suspendue dans l’immensité du Palais intitulé « Forgotten Dream ». On a l’impression d’immenses dessins, traits et lignes de fuites sur des toiles gigantesques que l’artiste recouvre, entoure, souligne, repeint comme dans le temps où il fallait cacher les sexes des anges de la chapelle Sixtine. De ces grands coups de traits émanent une dynamique et une puissance certaine même si les trajets ne sont pas linéaires. Là où Julie Mehretu semble se limiter à cette peinture, Damid Hammons récupère, détourne comme « Oh say can you Ssee » ce drapeau américain étoilé, décoloré, à demi déchiqueté par le vent ou ces toiles recouvertes de plastique éventré d’où sort du kraft… les toiles de Julie Meheretu semblent si familières alors qu’elles sont d’une facture très abstraite mais n’agressent pas, elles permettent la contemplation et l’évasion. « Epigraph Damascus », en six volets, fait penser à ces paravents asiatiques peints à gros coups de pinceaux… On remarque près d’une fenêtre donnant sur le canal ces sculptures en aluminium de l’artiste allemand Nairy Baghramian aux titres évocateurs : « s’appuyant », « s’allongeant », « s’accrochant », « se levant », s’asseyant ». On est touché par les sculptures de Paul Pfeiffer, notamment ces pieds d’enfants sculptés dans le bois avec des tongs au pied, ou par ces pieds du christ en croix ou encore ces bras tatoués. Les sculptures en liège et acrylique de Huma Bhabha impressionnent dans cet espace où l’on s’attend plus à voir des sculptures classiques de l’antiquité.
LIMINAL
Si on passe de l’autre côté du canal, on peut voir dans la Punta de la Dogana des installations de Pierre Huyghe. On entre dans la première salle, terre de lave noire et grand écran avec des images toujours en mouvement qui ne savent pas se fixer et ne nous donnent jamais à voir quelque chose de figé. Ensuite on passe dans des salles où sont exposés des aquariums où végètent des roches, des animaux marins… Un immense film montre des billes de verres, des squelettes, des fossiles, des pierres précieuses levées par un bras métallique. Plus loin, un grand bras articulé couleur or se déploie. Une cosmogonie toute particulière qui fascine et pousse à s’interroger sur notre univers, son passé immédiat ou préhistorique et l’usage qu’on fait de ce patrimoine. Intéressant d’ailleurs de compléter cette exposition par la reprise de « 3 heads fontain » une installation fontaine de Bruce Nauman et les dessins au crayon de Anthony Nosiku Ikwueme.
Des moments mémorables à vivre dans ces deux lieux emblématiques de la Cité des Doges.
Emmanuel Serafini
Image: vue de l’exposition « Liminal » de Pierre Huyghe à la Punta della Dogana, Venise, 2024. Copyright l’artiste et Collection Pinault Venise.





















