FESTIVAL D’AVIGNON : BOUCHRA OUIZGUEN, DANSE DE FAÇADE

79e FESTIVAL D’AVIGNON : « They always come back » Bouchra Ouizguen – 5 et 6 juillet – Place du Palais 19h – Gratuit

DANSE DE FAÇADE

La chorégraphe Bouchra Ouizguen est passée maîtresse dans l’air de déployer de la danse dans l’espace public.

A ses débuts, dans le festival de danse « On Marche » fondé par le chorégraphe Taoufiq Izeddiou, la sensation la plus forte était d’assister à des performances chorégraphiques contemporaines sur la place Jamaa Alfna de Marrakech… Ce n’était pas rien que de faire cette expérience dans un pays musulman où le Coran bannit la danse et la musique ! Vertigineux.

Depuis, Bouchra Ouizguen est invitée dans tous les grands festivals de danse du monde pour saisir le regard des passants avec une danse simple, faite de marches en ligne ou en huit, de tours, de gestes invocateurs des bras… La danse soufie n’est jamais loin.

Pour lancer le 79e Festival d’Avignon, logiquement, Tiago Rodrigues, lui a confié rien moins que le dialogue entre la danse et cette façade majestueuse du Palais des papes restaurée par Violet Le Duc … exercice périlleux… car ce n’est pas facile d’avoir comme décor naturel ses tourelles, arcs percés, mâchicoulis juchés à 15 mètres au-dessus du sol – exploit ! – Le crénelage en impose et on se dit que, de ce chemin de ronde, ont été vues tant et tant d’adversités et advenir de bonnes nouvelles. Et comme la danse à venir, on descelle, crochets anguleux, formes octogonales typiques des constructions du XVᵉ siècle…

À la différence de Corbeaux, présente lors de la 17ème Biennale de danse de Lyon dans le théâtre gallo-romain, ce ne sont ici que des hommes qui se rassemblent pour cette danse… et ça n’est pas simple en occident de leur dire d’y aller, d’être vus sur ce sol pavé, instable, brûlant de la chaleur de la journée…

Un peu comme sur un fond d’écran fabriqué par une IA touchée par la grâce poétique, le spectateur regarde déjà un homme cape blanche et costume noir, seul, en bas des marches du grand escalier, se mouvoir pendant qu’une dizaine de ses congénères, sortis du palais, contemplent, eux aussi, la performance… Ils le rejoignent et se dispersent en deux lianes folles qui se croisent et se recroissent… puis, lassés de cette unité, le protocole imaginé par Bouchra Ouizguen offre duos et trios avant de permettre des incursions de solistes, d’hommes plus ou moins danseurs, mais dont les plus novices peinent à toucher faute de convaincre… Comme dans toutes les séquences de rue — et les bateleurs empêchés du Off, assis sur leurs tréteaux juste à côté, le savent… — Il faut une musique entraînante, un truc qui attire l’œil et ici, on n’y coupe pas !

On comprend aussi bien le geste de programmation – réitérer après le majestueux « Cercles » de Boris Charmatz au Stade de Bagatelle par le Tanztheater de Wuppertal l’année dernière, avec, là aussi, entrée libre, mais cette fois-ci sur la place mythique du Palais – que le geste artistique – mettre en travail amateurs et professionnels pour créer de la beauté, des connexions corporelles… mais peut-être que cette proposition manque un peu de travail et de temps pour nourrir les interprètes — notamment les amateurs — et arriver à une pièce plus convaincante encore que celle vue hier à l’ouverture du festival… la prochaine fois sans doute…

Emmanuel Serafini

Photo C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon

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