FESTIVAL D’AVIGNON : « NÔT », UNE COUR SANS MIRACLE…

79e FESTIVAL D’AVIGNON – NÔT – Marlene Monteiro Freitas – Cour d’Honneur 22h. – Du 5 au 11 juillet – Relâche le 7 juillet.

UNE COUR SANS MIRACLE…

Le Festival d’Avignon ne commence vraiment qu’avec le spectacle de la Cour d’Honneur où planent les fantômes des 79 autres éditions, c’est dire que de s’y produire marque aussi bien les gens qui font le spectacle, que nous qui les regardons…

Pour lancer ce marathon théâtral – mais pas que – Tiago Rodrigues a confié les clés de la cour à une femme, chorégraphe, née au Cap-Vert, qui se réclame du conte des Mille et une nuits, pilier de la littérature arabe, langue à l’honneur cette année…

Evidemment, confier une création à une artiste aussi iconoclaste que Marlene Monteiro Freitas se fait en conscience et sans espérer une pièce de compromis, d’entre deux… Et c’est bien connaître la danseuse cap-verdienne car elle ne lésine jamais avec ses topics, son esthétique baroque et sa folie douce qui ont fait sa réputation dans le monde…

Avec Nôt, Marlene Monteiro Freitas veut donc nous donner sa vision de ce conte où la célèbre Shéhérazade subjugue son sultan, nuit après nuit, pour échapper à la mort qui lui est promise. 

Pour baroque qu’elle soit, il ne fallait pas compter sur la chorégraphe dorénavant installée à Lisbonne pour nous créer un espace néo-oriental comme on se plaisait à le faire pour les turqueries de Molière… Elle a confié à Yannick Fouassier le soin de lui proposer une scénographie qui occupe toute la Cour, faite de grillages blancs, certains incurvés, d’autres droits qui permettent des micro-espaces, des coulisses, mais à vue… L’ensemble est éclairé d’un blanc cru par le même, ainsi la nature de l’espace n’est jamais trahi… Trois lits à jardin, deux espaces scéniques à jardin et à cour annoncent des micro-scènes possibles… 

Du lointain de la scène, sous les arches de pierres, surgit Joaozinho da Costa en Tshirt noir et petite jupette façon joueuse de tennis qui exécute avec une grâce de félin un petit coupé-décalé qu’il va porter de cour à jardin de lointain à face… son départ provoque les applaudissements des spectateurs dont certains sont encore en train d’asseoir… comme le dit Jeanne Candel dans « Fusées », c’est le prologue…

Le spectacle débute par une entrée par les portes du Palais côté jardin. Un homme surgit. Il se place devant le micro. Aucun son ne sort. Il grimace. Il titre la langue. On comprend sans qu’il ne dise rien : on est bien dans un spectacle de Marlene Monteiro Freitas qui a toujours aimé ces grimaces, ces singeries, ce côté cinéma muet suranné… 

Une sorte de doublage sonore s’opère à chaque coin du plateau. La danseuse masquée fera une longue traversée avant de rejoindre son espace et c’est là qu’on se dit que quelque chose cloche… Le temps n’est pas juste. La durée disproportionnée plombe le rythme, ce qui est un peu une antithèse chez cette chorégraphe de l’observation acérée et vive…

Beaucoup de gestes rituels et d’interprétations issus du conte jalonnent ce spectacle, mais là aussi, trop abscons, rendant la chose difficile à suivre…. Masques, coup de torchons sur la guitare électrique, femme sans jambes, musiciens grimés, des scènes de scatologie dont les spectateurs « profitent »…

Finalement ce qui convainc absolument, c’est la bande son de Rui Antunes qui a composé ici un véritable opéra des « Noces » de Stravinski aux musiques de mariage au Maroc en passant par Prince et Nick Cave. La chorégraphe dispose ainsi d’une palette pour dessiner un spectacle digne d’un opéra contemporain – ce qui est peut-être le cas ici, d’ailleurs, plus un opéra qu’une chorégraphie… et finalement, on est plus proche de « Parade » que de « Shéhérazade »…

Le retour de Joaozinho da costa se fait tardivement, mais réenchante et c’est là qu’on se dit que si Marlene Monteiro Freitas avait appliqué sa recette de son chef-d’œuvre pour la Batshva, on aurait eu comme avec Canine jaunâtre 3 une ébouriffante soirée… Mais voilà, de longues transitions, des idées trop sommaires et des images très décortiquées font de ce spectacle une chorégraphie lourde, pas de miracle dans la Cour ! vivement l’an prochain…

Emmanuel Serafini

Photo C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon

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