FESTIVAL D’AVIGNON. « PRELUDE DE PAN », THEÂTRE DES CHAMPS, THEÂTRE DU VIVANT

79e FESTIVAL D’AVIGNON. Prélude de Pan – d’après Jean Giono – Adaptation de Clara Hédouin et Romain de Becdelièvre – Mise en scène : Clara Hédouin – Du 8 au 20 juillet (relâche le 14) à 18h30 – Plaine de l’Abbaye à Villeneuve-lès-Avignon

C’est avec plaisir et une certaine curiosité que nous revoyons Clara Hédouin programmée de nouveau dans cette édition du Festival. « Que ma joie demeure » de Jean Giono, son spectacle déambulatoire aux aurores, en pleine nature dans des lieux magiques de la Montagnette, était sans conteste l’un des évènements du Festival de l’an dernier.

C’est dans le même esprit et sous la même forme que Clara Hédouin nous invite à découvrir cette année une autre œuvre de Jean Giono, une nouvelle : « Le Prélude de Pan ». Une œuvre surprenante, ancrée dans le terroir, qui décrit des évènements fantastiques survenus dans un village de montagne un jour de fête votive. Un orage gronde, les éléments sont en furie. Survient un personnage mystérieux venu on ne sait d’où qui, voyant une colombe maltraitée par un rustre déclenche, par un étrange pouvoir, une transe collective apocalyptique à laquelle se mêlent les animaux. Un microcosme en proie à des forces surnaturelles et telluriques qui sombre dans l’horreur d’une fête orgiaque, peut-être une certaine vision du jugement dernier.

On retrouve également des extraits de « Que ma joie demeure », ce texte philosophique si poétique. Peut-on vraiment être heureux ? Ressentir la joie ? La liberté est une illusion. On n’est pas libre de ne plus entendre le chant des cigales ou de ne plus sentir l’odeur de la forêt. L’homme n’existe que dans son environnement dont il n’est qu’un élément.

Cette année cette déambulation théâtralisée se déroule dans la plaine de L’Abbaye à Villeneuve-lès-Avignon, un lieu de verdure et un îlot de fraîcheur à la fois cultivé et sauvage. Un lieu fertile à la végétation luxuriante, fréquemment inondé par le Rhône et balayé par le Mistral. Le spectacle se déroule en cinq tableaux dans des clairières ou le long des champs de tournesol. Des lieux qui permettent une mise en espace illimitée.

Nous sommes ainsi conviés à une petite randonnée de quelques kilomètres au travers de sentiers sauvages, parfois griffés par les ronces, le long de chemins forestiers ou agricoles au détour desquels on découvre ces magnifiques scènes naturelles. On s’assoit par terre ou sur un petit trépied remis aux spectateurs en début de randonnée.

La mise en scène est remarquable de vérité et de réalisme. Les trois acteurs font corps avec la nature, apparaissent au lointain à l’orée d’une forêt ou s’évanouissent dans un champ de tournesol. Et la magie opère. Ce soir-là le mistral souffle violemment et hurle dans les branches, les cigales s’en donnent à cœur joie. Un environnement propice pour évoquer le monde rustique et rude de Giono.

Le spectacle, basé sur les textes de Giono, est en outre ponctué de commentaires d’agriculteurs de la région qui évoquent leurs vies, leurs problèmes, souvent leur mal-être mais toujours dans l’amour de leur métier. Des paroles passionnées et passionnantes, souvent émouvantes. Malheureusement cette partie frise un peu le manichéisme naïf. Il est gênant qu’un agriculteur qui pratique une culture céréalière conventionnelle intensive dans la Plaine de l’Abbaye et qui vante le progrès et la chimie soit présenté un peu comme un imbécile heureux qui n’a rien compris. A l’opposé il y a les paysans éclairés – qui eux comprennent la nature parait-il – qui pratiquent une agriculture bio dans des petites exploitations et pour qui la notion de productivité semble futile, voire méprisable. Il est incontestable que des progrès environnementaux sont nécessaires mais les choses ne sont pas si simples. Ignorer les besoins du temps, tant économiques que démographiques, relève d’une utopie bien sympathique qui reste malgré tout une utopie.

Mis à part ces bémols c’est une formidable expérience que nous fait vivre Clara Hédouin. Cette déambulation en pleine nature vivifie l’acte théâtral et nous fait ressentir toute la poésie agreste de Giono. Nous ne pouvons que reprendre notre conclusion relative au spectacle « Que la joie demeure » qui nous avait tant conquis l’an dernier : « Clara Hédouin invente une forme de théâtre inspiré de la philosophie du vivant qui remet l’Homme à sa place dans la nature, qui ouvre tous les horizons et qui redonne une pleine liberté à l’acte théâtral ».

Jean-Louis Blanc

Photo C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon

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