FESTIVAL D’AVIGNON. « RINSE », VERITABLE BIG BANG !

79e FESTIVAL D’AVIGNON. « RINSE » – Amrita Hepi, Mish Grigor – Au Gymnase du Lycée Mistral à 18h – Du 17 au 22 juillet.
Voici un petit bijou de solo parlé et dansé qui nous vient tout droit de l’Australie… A ce stade du festival, on ne boude pas son plaisir !
Encore un cyclo blanc. Des néons au sol à la face et au lointain. Des cubes bleu pétrole, trois à cour, un à la face et à jardin un triangle recouvert d’un miroir. Le point de départ est abstrait, et pour cause, puisque la danseuse, chemisier blanc, pantalon bleu, tennis blanches, commence son récit par le big bang, Adam et Eve, à tout ce qu’il y avait et ce qu’il n’y avait pas. Et c’est vrai que, tant qu’à commencer, autant le faire par le début !
La danse est fluide. Mouvent des bras browniens, déhanché contemporain, une énergie à traverser l’univers. Amrita Hepi nous embarque dans sa cosmogonie pleine de trous et d’interprétations subjective !
La musique du début est celle de l’univers qui se révolte contre les éléments, celle qui doit circuler entre les planètes dans le cosmos. Car, comme elle le dit, au début, « il y avait le vide »… et ça fait réfléchir… Il ne faut d’ailleurs pas confondre « avec le néant » car, effectivement, il y a bien des choses dans cette stratosphère.
La bavarde, mais cosmique Amrita Hepi énumère les débuts… les débuts de tout. Elle résout le début de l’œuf et de la poule. Au début « je te crois » puis le doute s’installe et le couple chavire. Sans sembler s’essouffler le moins du monde, la danseuse marque le sol de son pied, balance son bassin et démontre qu’avant il y avait des gestes qu’on a attribués à des chorégraphes et c’est un name-dropping de noms célèbres, une véritable histoire de la danse à sa façon… Steve Paxton « là, je danse, là, je ne danse pas » ! et philosophe « pour que la danse existe, il faut le public » et il est bien là le public, attentif, riant, doutant, espérant avec la danseuse qui ne tient pas en place et qui parle…
Elle sort. Elle apporte une télévision. On regarde un ballet.
Elle parle aussi d’elle, de ses expériences de danseuse, de ce qu’elle a appris, seule ou en groupe, par elle-même ou avec d’autres. Elle parle d’Alvin Aley, de la « vraie danse » et on voit bien ce qui l’inspire chez ce chorégraphe. On aborde la technique Horton. On parle de Martha Graham, de Merce Cunningham mais aussi de Pina Bausch, de Déborah Hay…
A la façon du « je me souviens » de Georges Perec, ces anaphores de « au début, il y avait » sont comme des recommencements, comme on allait naguère à la ligne avec une machine à écrire traditionnelle, en actionnant le levier.
« For ever and ever », Amrita Hepi nous aide à nous souvenir, à penser, à faire aller nos sentiments. Elle sait activer la salle, la faire jouer et lui donner du temps de réflexion. Un moment de grâce qui ne fait rien oublier, ni les génocides, ni les massacres des peuples premiers, mais qui reste un moment fort et prenant.
Emmanuel Serafini
Photo C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon





















