FESTIVAL D’AUTOMNE. « L’ECHO », L’AILLEURS DES CORPS DE NACERA BELAZA

Festival d’Automne 2025. L’ECHO – Nacera Belaza – avec Valérie Dréville – Du 26 septembre au 11 octobre 2025 – MC 93 de Bobigny, avec Chaillot – Théâtre national de la Danse, puis en tournée*
Avant que tout commence il y a l’Outrenoir. Parce que c’est la même profondeur d’un noir de Pierre Soulages qui habite ce noir plateau. Avant le premier geste. Avant la première lumière. Tout est déjà là. Exactement là. Dans ce noir. Danse noire.
Noir et le silence. Comme un temps pour revenir en soi-même. Dans l’intime de soi. Faire un vide nécessaire pour l’emplir du voyage de Nacera Belaza et Valérie Dréville auquel nous sommes conviés.
Alors seulement peut naître cette pâle clarté. Cette lumière presque décolorée. Cette vapeur éthérée. Naître aussi de fragiles étranges et lointains chants d’oiseaux qui se mêleront à la musique qui monte doucement. L’ailleurs. Tout de suite. Comme une migration. Parole sauvage à laquelle répondra plus tard une autre lancinante mélopée.
Alors peut se déplier ce croquis charbonneux d’un corps esquissé au fusain. Une ombre gris-noir. Subtil dessin de lumière sur ce corps naissant de la nuit. Parfois on perçoit des fragments de chevelure claire. Des bribes de mains dans l’espace. Un corps en équilibre. « Flottaison blême et ravie » d’un bateau ivre. Mais jamais le visage. Les visages seront toujours dans l’ombre ou dans le contre-jour. On ne les voit pas. Le corps matière prend forme. S’étend s’étire. Un peu oiseau par instants lui aussi. Semble chercher un ciel deviné. Si lentement. Si lentement. Le temps s’allonge. Il n’est plus. Le corps fascine. Puis se replie. Se ramasse en cocon. Le corps qui s’abrite en lui-même. Un corps caillou. Un corps rocher. Posé là comme une offrande. Un jalon. Point de départ vers d’autres rivages. L’ailleurs toujours.
Puis l’espace soudain s’ouvrira. Large. Très large. Blanc. Laiteux. Presque une immensité à parcourir sans fin. Et ces appels au loin. Psalmodies prières qui se disent et se redisent comme un refrain éternel quand monte le maelström. La musique comme une déferlante si belle et si puissante. Le corps enveloppé de musique. Un peuple imaginaire appelant sans cesse. Sirènes troublant Ulysse en son voyage. Incantations magiques d’un rituel sacré. Ce phare dressé tel un masque tribal. Totem dans la nuit. Un dieu de couleur dans ce noir absolu. Traînée de lumière orangée soudaine et violente. Le corps saisi qui scande l’instant. Morcelle le mouvement. Le geste se fait serré. Pointu. Presque guerrier. Semble vouloir défier cette divinité païenne. Ailleurs les corps seront légers. Volutes. Tournoyants. Presque papillonnants. Une ombre qui se dédouble. Deux formes qui se cherchent et s’amusent. Jeux d’enfants soudain presque naïfs et facétieux. Viennent et s’en vont. Se jouent d’eux-mêmes et de la lumière. Laissent tout l’espace. Puis le reprennent. Lumière encore. Toujours subtile. Élégante. D’une rare intelligence. Une lumière-matière. Comme un corps, elle aussi, qui va et vient. Grandit. Bondit. S’épaissit puis se distend. Enfle imperceptiblement par instants et devient soudain si fragile. Si ténue. Une buée frottée de la main pour laisser apparaître l’image. Laisser grandir le rêve.
Alors enfin peut-être sur l’autre rive, dans ce cercle de lumière crue, le corps voyageur semble s’y dissoudre. Il EST lumière.
Infiniment beau comme l’infini dessiné un moment devant nous. Beau à peut-être évoquer quelques peintures de Zoran Music.
Arthur Lefebvre
* En tournée, dates sur le site de la compagnie : https://cie-nacerabelaza.com/

Photos Simon Gosselin





















