FESTIVAL D’AUTOMNE. « LA LUZ DE UN LAGO », BLACK-OUT TOTAL

FESTIVAL D’AUTOMNE. « La luz de un lago » – El Conde de Torrefiel – Théâtre de l’Odéon – du 4 au 16 novembre 2025
Le duo barcelonais iconoclaste réuni sous la bannière d’El Conde de Torrefiel est propulsé par le Festival d’Automne et Julien Gosselin au Théâtre de l’Odéon. Leur dernier opus, La luz de un lago, annonce quatre histoires d’amour, filmées. Soit. Les spectateurs sont conduits derrière la scène de l’Odéon sur des installations provisoires. Soit. Pendant une heure trente, les mots vont littéralement défiler lentement à l’écran, parlés ou pas, avec un ballet de panneaux et d’installations parfois impénétrables. D’aucuns y verront l’apogée d’un minimalisme qui refuse toute esthétique traditionnelle « facile », ces « effets wow » tant décriés. D’autres vivront une expérience « excruciating » face à ces récits à l’eau de rose qui s’étirent. Quel que soit votre camp, La luz de un lago n’est pas un spectacle vivant. Pas d’acteur, pas même de saluts finaux de la part de l’équipe qui n’a pas cessé de manipuler ces écrans au cours des quatre chapitres. Au-delà du débat esthétique, la pauvreté humaine du moment est désolante.
Les spectateurs sont placés au fond de la scène, face à la grande salle de l’Odéon cachée par le grand rideau. Les écrans attendent, et accueillent le public avec des images brouillées d’océan, de personnes, de pixels qui se refusent à être directement représentatifs tandis qu’une voix off annonce en espagnol le déroulé de la séance. Les phrases de l’histoire s’égrènent, en français et en anglais, sur des fonds colorés. La musique est sans doute la partie la plus expressive du spectacle, quand images et acteurs se refusent à entrer dans le jeu. Tout est concept : la peinture noire qui progresse avec le silence du troisième récit, le manifeste da la quatrième partie contre « l’effet wow », le tapis de bras, cervelas ou viscères qui est brièvement montré entre la première et la deuxième histoire.
Nulle esthétique dans cette proposition, l’expérience se veut cérébrale, faisant appel à l’imaginaire du spectateur. Quelques images naissent effectivement à l’écoute ou à la lecture de ces phrases mais l’imagination est vite empêchée par ces étranges mouvements d’écrans sur le plateau et par ce rythme infiniment lent.
Et le vivant dans tout cela ? L’acteur, l’émotion ? Sous prétexte d’éviter l’effet WOW, les comédiens ont carrément disparu du plateau. L’époque est pourtant déjà suffisamment digitale et virtuelle, pour ne pas souffrir encore de voir les plateaux de théâtre désertés par leurs artisans.
Emmanuelle Picard
Photos Mario Zamorra






















