FESTIVAL D’AUTOMNE. « PÉTROLE » : PIER PAOLO PASOLINI PUISSANCE CREUZEVAULT

FESTIVAL D’AUTOMNE. « PÉTROLE » d’après le roman de Pier Paolo Pasolini – Création collective – Adaptation et mise en scène de Sylvain Creuzevault – Jusqu’au 21 décembre 2025 à L’Odéon-Théâtre de l’Europe.
Sur le rideau de scène fermé il est inscrit Pier Paolo Pasolini. 1922 – 1975. À l’ouverture le corps inerte d’un homme, ailé comme une ange éteint. Détruit. Deux bouts d’ailes d’un avion fracassé. Pasolini assassiné sur la plage d’Ostie. L’image vient à l’esprit. L’image semble déjà double. Parce que cet homme, ici, n’est pas Pier Paolo Pasolini assassiné visage dressé vers le ciel. C’est Carlo Valletti. Protagoniste central de cet écrit multiple et inclassable. Un peu roman. Un peu chroniques. Poème. Un ensemble de notes numérotées aux titres parfois obscurs recomposé ici avec intelligence et non sans un certain humour distancié par Sylvain Creuzevault et sa tribu. Nous sommes au théâtre. Ne l’oublions pas et cela est dit. Théâtre et ses artifices. La vérité n’en sera pas pour autant moins crue et moins cruelle. Pasolini est là. Ses lunettes noires en seront le signe, portées par l’un, l’une ou l’autre des interprètes. Ok. Adresses de Pasolini au lecteur. Adresses au spectateur.
Une œuvre éminemment poétique. Pétrole est un poème. Revendiqué. Avec ses flots de paroles par instants. Ces suites verbales comme infinies. Un trop plein dont il faut se libérer. Une logorrhée purificatrice. Dernier écrit de Pasolini. Publié dix sept ans après sa mort. « Pétrole ». Titre laconique. Secret. Comme un empire.
Carlo Valletti. Carlo fragmenté. Carlo personnage déchiré en deux. L’ange Polis et le démon Thétis s’en partagent la dépouille. Instant burlesque.
Carlo Premier mènera une carrière ambitieuse au sein de l’ENI, entreprise nationale d’hydrocarbures au logo bien connu du chien à six pattes et langue de feu. Enrico Mattei, patron de cette puissante compagnie sera lui-même assassiné en 1962 dans un trouble accident d’avion.
Carlo Second n’aura, quant à lui, de cesse d’assouvir une soif absolue de sexe et de débauche. Autre forme de pouvoir s’il en est. Freud, Lacan et consorts seront en embuscade.
C’est en majorité sur un vaste écran et filmés derrière un container de chantier que la première partie du spectacle se dessine. Noir et blanc. Couleur. Détails. Gros plans. Les monstres sont à l’œuvre. Le néo-capitalisme aussi. C’est en direct la naissance de Carlo Premier. Minutieusement contaminé.
C’est l’Italie des années 1960 et 1970 secouée par les « années de plomb » qui nous revient en pleine face. Post facisme. Radicalisation des mouvements d’extrême gauche et d’extrême droite. Lutte armée. Propos d’une étrange et troublante actualité. Qui détient finalement le véritable pouvoir ? Qui dirige ce bas monde ? Où en est-on de la morale publique ? Quelques questions simples entre deux frénétiques masturbations. L’extase et la douleur. Ange ou démon. Angélique et démoniaque Carlo au pays des multinationales. Il faut garder la main. À tout prix. Et coule l’or noir. Bien noir. Opaque comme les coulisses de tous les pouvoirs. Ou celles de l’âme. Ou du désir. Bien profond. Se faire mettre. Comme Carlo second quand il paie de jeunes hommes pour être possédé. Jouir soumis. Suer de désir. Longue, belle et puissante séquence dans une lumière orange. Glauque. Superbe et presque religieuse. Douloureuse comme un plaisir. Ou comme une castration à venir. Vertige. Et démultipliée en vidéo directe sur l’écran. Manipulations et négociations secrètes pour l’un, moiteur et spasmes extatiques pour l’autre. Ainsi va le monde de Pétrole. À hauteur d’ombre. Quand elle devient opaque. Et lourde. Et quand froidement elle assassine.
Pier Paolo Pasolini est mort assassiné sur la plage d’Ostie près de Rome le 2 novembre 1975. Pétrole est une résonance.
Pétrole est création collective magnifique qui donne l’envie de venir ou revenir faire un tour dans l’œuvre de Pasolini.
Arthur Lefebvre
*Le film Salò ou les 120 journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini sera projeté à l’Odéon Lundi 8 décembre à 20h. Protection présentée par Sylvain Creuzevault et Hervé Joubert-Laurencin (interdit aux moins de 16 ans )
Distribution : Avec Sébastien Lefebvre, Arthur Igual, Gabriel Dahmani, Pauline Bélier, Anne-Lise Heimburger, Sharif Andoura, Boutaïna El Fekkak, Pierre-Félix Gravière – Texte français René de Ceccatty – Scénographie Jean-Baptiste Bellon, Valentine Lê- Lumière Vyara Stefanova – Musique Pierre-Yves Macé – Musique et son Loïc Varidel – Vidéo Simon Anquetil – Assistanat mise en scène Émilie Hériteau, Ivan Marquez – Production Le Singe – Coproduction Odéon Théâtre de l’Europe, Festival d’Automne, Bonlieu scène nationale d’Annecy, Comédie de Saint-Étienne, Comédie de Reims, L’Empreinte scène nationale Brive-Tulle, La Comète scène nationale de Châlon-en-Champagne, Les Célestins Théâtre de Lyon, Théâtre de Vidy-Lausanne, Malraux scène nationale de Chambéry Savoie – Avec le soutien du Théâtre du Soleil Le roman « Pétrole » de Pier Paolo Pasolini traduit de l’italien par René de Ceccatty est publié chez Gallimard, collection L’Imaginaire, 2022.
En Tournée :
La Comédie de Saint-Étienne, du 24 au 27 février 2026
Comédie de Reims, 20 et 21 mai 2026
Théâtre de Vidy-Lausanne (Suisse) du 3 au 5 juin 2026



Photos J.L. Fernandez





















