« CETTE AUTRE CHOSE », LES OBJETS DE BRUNO MEYSSAT ACTEURS DE NOTRE MONDE

« CETTE AUTRE CHOSE » – Réalisation Bruno Meyssat – MC93 de Bobigny du 11 au 14 Décembre 2025

« Suite » surprenante d’une programmation. Il y a peu, j’écrivais à propos de « Nexus de l’adoration » de Joris Lacoste également vu à la MC93 de Bobigny. Ils nous disaient les choses. Il nous disaient les mots des choses. De longues listes. Multicolores et bariolées.

Aujourd’hui Bruno Meyssat, ses malicieux comparses et leurs objets nous disent eux aussi « les choses ». Elles ne sont plus des mots mais des objets. Ne pas confondre ici avec des accessoires. Non. Des objets. Comme des acteurs. Il y a des acteurs et des objets. Avec leurs identités propres. Ils jouent la partie à égalité. Ils sont ensemble les composantes du spectacle. Tout comme ces fragments de paroles enregistrées. Discrètes. Compréhensibles ou non. Et la musique aussi. Telle cette logorrhée abstraite et lyrique qui rythme une improbable vente aux enchères d’ouverture. On entendra aussi quelques propos d’acteurs presque en sourdine parfois. Qui viennent et s’en vont. Les bribes de cette aventure singulière. Qui nous racontent une seule et même histoire. Celle des choses. Très certainement les choses du monde. Dans ce qu’elles peuvent avoir d’universel. Au-delà des apparences. Parfois simplistes. Parfois trompeuses.

Ici, chaque mot a sa fonction. Chaque objet a sa fonction. Chaque son a sa fonction et l’acteur est confronté à l’ensemble de ces éléments constitutifs dans une écriture scénique globale qui définit l’esthétique et les codes généraux du spectacle. Mots, objets, sons, lumières ou intentions de jeu sont tous les partenaires égaux de la mise en scène. Ils forment ensemble le geste théâtral. Lui donnent son rythme. Créent les distances nécessaires d’où peuvent naître parfois un trait d’humour ou bien la dérision.

Il y a d’abord ces grands totems métalliques. Comme des miroirs abîmés d’avoir trop réfléchi. Géants mythologiques et porteurs de lumière. Portes s’ouvrant sur d’autres horizons. D’autres modes de pensée. D’être. Peut-être. Ou l’entre-deux. L’antre un peu folle où s’entrepose un bric à brac utile à reconstruire le monde. Ou bien à s’inventer de nouveaux rêves. De fragiles utopies.

Et puis au début il y a cet homme nu. Un peu mort et laissé là. Un abandon. Une présence abandonnée. Un premier reliquat. C’est étrange. Ce corps comme un objet. Les corps plusieurs fois seront nus. Partiellement ou totalement. Des corps comme une matière à jouer. À raconter. À dire toute cette violence. Taille-haies menaçant vibrant dans l’entrejambe. Bec d’oiseau si haut perché tournoyant et cognant la tôle cuivrée. Impuissant. Désespéré. Ces fautes à expier au bord d’une tombe où repose cette salopette jaune de pêcheur. Mer souillée vague perdue. Dépouille païenne, relique sacrée. Christ crucifié.

Les images ne se succèdent pas. Non. Elles se mêlent les unes aux autres. Se superposent. Interfèrent. Se répondent. Se font écho. Évidentes ou plus secrètes. Comme si justement l’ordre des choses était ainsi établi. Inéluctable. Aussi rigide que ces casques de hockey. Rouges sang. Vermillon brillant dans la blancheur d’une lumière crue. Comme ce sac de couchage prison abris refuge et compagnon d’errance. Comme ces tondeuses à gazon grésillant un étrange dialogue. Guirlande lumineuse en alerte. Pieds de nez. Froideur clinique et dérision. Clins d’œil et parodie. Un piano d’enfant posé là-haut. Sur les marches d’un grand escalier blanc. Échelle de Jacob pour une improbable montée aux cieux. Un cérémonial aux allures parfois initiatiques orchestré par une bande de poètes facétieux. Une invitation à mêler nos regards aux leurs. Ceux des acteurs, ceux des objets. La grande fabrique d’une autre rêverie collective. Ainsi va le monde des choses. Grandiose et dérisoire. Baroque et biscornu. Bricolé en équilibre instable au bord du gouffre. Au pieds du grand escalier blanc. Tendu vers la lumière. Une confrérie de fous déjantés à laquelle nous appartenons peut-être. C’est selon. Selon « Cette autre chose ».

Arthur Lefebvre

Réalisation Bruno Meyssat. Avec Gaël Baron, Philippe Cousin, Elisabeth Doll, Paul Gaillard, Stanislas Nordey – Assistanat à la mise en scène Eliott Bernard de Courville et Julie Moreau – Régie générale Franck Besson – Espace et objets Bruno Meyssat et Pierre-Yves Boutrand – Lumière Franck Besson
Son Etienne Martinez et Bruno Meyssat – Collaboration artistique Patrick Portella – Administration Audrey Bornand.

À voir les 12 et 13 Janvier 2026 au Théâtre du bois de l’Aulne (Aix en Provence)

Photos © Jean-Pierre Estournet 

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