« UNE PETITE DOULEUR » SANS SURPRISE MAIS SANS FAILLE, AUX ABBESSES

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«Une Petite douleur » / Théâtre des Abbesses / Texte : Harold Pinter / Mes Marie-Louise Bischofberger / Du 7 au 22 décembre 2012.

Marie-Louise Bischofberger adapte avec précision mais prudence la pièce implacable de Pinter.

Un couple prend son petit déjeuner dans un intérieur tout confort, où ce qui compte, c’est surtout le jardin fleurissant, le cognassier japonais, et la chaise longue au soleil. Seules ombres au tableau : la petite douleur d’Édouard à l’œil, et, une guêpe. Un simple insecte qui va devenir une obsession. Il faut exterminer cet intrus par tous les moyens. Cruellement, peu importe, même si Flora émet quelques scrupules. Mais cet ennemi à abattre n’est rien comparé au marchand d’allumettes qui passe chaque jour près de la maison. Que fait-il sur cette route froide peu fréquentée ? Que veut-il ou plutôt que manigance-t-il ? Édouard le soupçonne, Flora le dit « inoffensif ». Quoiqu’il en soit, la haine qui règne au sein du couple va pouvoir se déverser. L’un et l’autre défouleront leur pulsion d’agressivité, leur besoin de salir l’autre, laisseront jaillir leurs accès de délire.

Une folie qui a trouvé place dans le vide de leur quotidien ? Dans l’isolement de leur monde chic, arriviste ? Pinter n’impose pas de réponse, et propose plutôt une fin en pied de nez. Sa pièce, publiée en 1979, est l’une des plus éloquentes du Théâtre de la menace, où la peur de l’objet extérieur vient bouleverser tout un monde clos. Elle cingle ici un univers petit bourgeois qui ne se relèvera pas de son absurdité.

Marie-Louise Bischofberger signe une mise en scène habile de cette petite douleur liée à un grand mal. Elle reprend avec une précision chirurgicale la progression vers la folie, fait planer une angoisse insidieuse, joue du clair-obscur et d’espaces toujours peu délimités, là où Louis-Do de Lencquesaing et Marie Vialle incarnent avec conviction les dérives malsaines. Des choix soulignant la rigidité autodestructrice de ces fous en sommeil, et marquent une adaptation minutieuse. Qui se prive, malheureusement, du moindre écart, pondérant en permanence le rythme et modérant l’intensité d’une cruauté ravageuse. Le crescendo est manquant, mais la partition reste impeccablement dirigée.

Aude Maireau

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