GIORGIA NARDIN : « ALL DRESSED UP WITH NOWHERE TO GO » AU CENTQUATRE

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All Dressed Up With Nowhere to Go : Giorgia Nardin / C’le chantier performance 30′ / Le Centquatre / 08 et 09 mars 2014.

Etre en équilibre et le demeurer. Sur un pied. Se l’imposer. Pourquoi ne pas. S’interroger et interroger son corps. Être inconfortable. Tester l’inconfort jusqu’aux limites du supportable, voire jusqu’à ne plus sentir l’inconfort. Giorgia Nardin propose ici une vision du monde intime et fascinante.

Par des gestes et une esthétique minimalistes, « All Dressed Up With Nowhere to Go » de la chorégraphe italienne Giorgia Nardin, interroge la maîtrise du corps en situation de déséquilibre et de questionnement phénoménologique. La performance est courte mais entraine le spectateur dans un monde à part, dans une intimité différente et surprenante. La forme est sobre mais l’expression poignante. La proposition chorégraphique de Giorgia Nardin prend son origine dans les visions torturées et symboliques des peintures de Hieronymus Bosch, bien que le résultat trouve sa forme propre en s’éloignant de sa source d’inspiration, la complexité des figures, des formes et de l’être-au-monde visible chez le peintre se lit ici en filigrane.

A notre entrée en salle, les danseurs se tiennent en équilibre sur une jambe d’appui, un pied au sol, le second posé dangereusement dessus. Vêtus de simples chemises d’homme à motifs boutonnées jusqu’au cou, le couple nous fait face sans nous voir. Quand les mouvements s’amplifient, les sexes à nu se dévoilent peu à peu sous les chemises qui bientôt deviendront inutiles et que le couple abandonnera pour retrouver une nudité primordiale, voire nécessaire. Le rapport au monde et à l’espace ici est gêné par le déséquilibre constant que le couple vit ou s’impose, et dans lequel il se débat sans tout à fait lutter. Trop occupé à trouver son propre équilibre, on se préoccupe peu du corps de l’autre. Dans un premier temps du moins. En balance sur une jambe, l’autre en l’air et dans tous les sens, l’humain prend des airs d’animal. Comment se toucher et toucher l’autre quand on est soi-même «amputer» d’un de ces membres ? Comment l’escalader ?

Enfin dénudés, les deux corps se rapprochent, clopin clopant, jusqu’à se frôler, se toucher, se fondre l’un sur l’autre. L’homme escalade le corps féminin qui le porte, l’emmène dans ses mouvements avec une maîtrise absolue. Les deux corps se caressent, se confondent, l’homme en position foetale. Les deux nudités s’intriquent l’une dans l’autre sans pudeur, les corps se soutiennent et s’équilibrent enfin, chacun faisant office de béquille existentielle pour l’autre, – sans laquelle on ne peut être tout à fait droit. La solitude et l’état de panique premiers s’éteignent pour laisser place à l’union et à l’apaisement. Les deux corps intriqués offrent une danse d’une beauté rare et hypnotique ; une tentative de raconter l’être ensemble, le don de soi à l’autre, de lui donner la vie entièrement et dans l’intimité la plus totale.

Moïra Dalant

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