INFERNO

Christophe Meierhans est un artiste éclectique qui évolue entre performance, installation, travaux sonores et vidéos. Il propose des opérations artistiques qui détournent des fragments du réel et nous permettent de prendre du recul face à ce qui nous semble comme aller de soi. Il met alors en place des modes opératoires questionnant les normes et les conventions qui régissent notre quotidien. Avec lui, l’évidence est toujours réinterrogée.

Pour Some Use for the Broken Clay Pots [pour un bon usage de vos pots cassés], il expose une nouvelle constitution démocratique de son cru. Rien que ça. Le spectateur ne reste pourtant pas inactif puisqu’au contraire, il est invité à réagir à ce qu’il entend dès que cela lui semble pertinent. Alors que l’artiste énonce avec le plus grand sérieux quelques-unes des arcanes de son nouveau système, les bras se lèvent et nombreux sont ceux à manifester leur désaccord avec ce qu’ils viennent d’entendre ou plus simplement à poser des questions techniques sur tel ou tel point constitutionnel.

Le simple spectateur se retrouve dès lors engagé dans un dialogue non seulement avec le metteur en scène, mais aussi avec l’ensemble des personnes assises dans la salle. Sans devenir un débat à proprement parlé – Christophe Meierhans ne se fait jamais modérateur – les propositions de chacun se font l’écho de la prise de parole de tous. Le spectateur se retrouve dans la peau du citoyen que paradoxalement le débat démocratique lui confisque au profit de la parole d’experts en tous genres.

Cette conversation est d’autant moins un débat politique traditionnel que certains éléments bouffons sont là pour amener le spectateur à une certaine distanciation face à ce qu’il écoute et parfois à ce qu’il dit. Deux pots de fleur « achetés chez la fleuriste du coin de la rue » s’écrasent sur le plateau de façon inopinée et arrachent un cri d’effroi aux personnes situées au premier rang. Et l’on se moque gentiment des graphiques façon exposé-d’étudiant-en-troisième-année-de-licence censés présenter un système politique des plus complexes. Le décalage s’opère alors que le rire advient.

Véritable expérience de la part du spectateur, cette performance est un objet artistique qui redonne une place centrale à l’expression et l’échange de la parole publique. Dans la lignée d’un théâtre au cœur de la vie de la cité, elle nous donne à réfléchir sur les rouages de notre propre démocratie représentative et nous amène à nous surprendre de nos propres prises de position.

Quentin Guisgand

Some Use for the Broken Clay Pots sera aussi présenté à la Villette dans le cadre de l’Esprit de groupe du 17 au 28 mars 2015.

Visuel (c) Christophe Meierhans