« PARERGON », MARIANA CASTILLO DEBALL, HAMBURGER BAHNHOF, BERLIN
Parergon de Mariana Castillo Deball / Hamburger Bahnhof, Museum für Gegenwart/ Berlin
“Null Problemo” de Mariana Castillo Deball
Parergon est le titre que recouvre l’exposition de Mariana Castillo Deball. Elle fait vivre tout ce mois de mars, une ancienne gare à l’aide d’un agencement épars. Les objets présentés touchent à tout ce qui déborde et est comme son nom l’indique à la lisière du cadre muséal. Sont posés, articulés au ras du sol des blocs d’œuvre. Ils gisent de tout leur poids (dilapidés) sur les pourtours du quai abandonné.
Symboliquement perdues, peu de choses demeurent aux quatre coins de l’exposition hormis quelques numéros. Ils encerclent ces masses lacunaires. La visite se déroule calmement d’une déception à l’autre le long de voilages concentriques. Ils ondulent mollement, restent identiques à leur mouvement. Leur unique tâche est la délimitation d’un espace. Sont-ils présents juste pour faire beau ou bien masquent-ils des morceaux de riens ?
L’exposition ne l’évoque pas, l’ennui seul persiste. Heureusement, la visite s’éveille à la vue de l’imposant fauteuil roulant, numéro 3. Il la fait dérailler et désensevelit ainsi de terre beaucoup de sens cachés. Les yeux, jaugent puis s’écarquillent à la rencontre du fauteuil d’handicapé ainsi arrimé, quelque part d’après l’artiste, entre ethnographie et histoire de l’art. Le coup de force dispensé par cette mise en abyme est la cohésion sublime via l’habitacle entre handicap et chef-d’œuvre. Le titre de l’œuvre numéro 3: » Null Problemo » est inscrit à l’arraché à même l’acier, au feutre noir.
Le tableau ici absent, ici présent, enseveli est l’un des plus volés de l’histoire au monde, juste derrière la Joconde : » Dear arme Poet/The Poor Poet »(1839) de Carl Spitzweg. Cette toile figure un poète mal fagoté, malade comme un chien. Il octosyllabilise, allongé sur son lit miteux, comme rembourré par du papier mâché avec pour seul compagnon un parapluie usé. L’objet déplié colmate des trous sous un coin de toit.
En 1989, le voleur se fie donc au signe, prit son fauteuil d’handicapé à deux mains et pénétra dans le musée. Il vola bille en tête la toile de maître. Aimait-il le tableau ou connaissait-il, le marché ? L’histoire ne nous l’enseigne pas. Une chose demeure : le vol. Il réussit habilement à se contorsionner, son fauteuil aussi. Le tableau a disparu, mais pas l’habitacle reproduit à l’identique sous nos yeux.
« Null Problemo » met en scène l’inhabitable condition de possibilité arrimée, à chaque idéel, et se faisant détrousse, joyeusement, en nous cette invisible justice immanente prise à la dérobade.
Quentin Margne
à Berlin






















