« DEPASSER LES BORNES », CECILE BENOITON, GALERIE RDV NANTES

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Dépasser les bornes, Cécile Benoiton, Galerie RDV, 14 mars – 11 avril 2015, Nantes

À la limite d’un basculement certain, sur un fil cinglant, aux frontières du grinçant ; Cécile Benoiton nous embarque dans un paysage vidéo/graphique qui fait appel à notre sensibilité collective.

Sept écrans se répondent d’un mur à l’autre de la galerie et proposent des séries de courtes vidéos parfois sonores telles des anecdotes d’un quotidien décalé. Les actions filmées de l’artiste sont pour autant maîtrisées et très mécaniques. Par des automatismes déconcertants, elle teste les limites de situations a priori insignifiantes et sans intérêt perceptible. Pourtant, chaque ressenti qui en résulte provoque chez le spectateur, une attirance ou un rejet presque incontrôlable
.
Est-il finalement inutile de se mettre du rouge à lèvres sur les dents, de faire couler du miel sur une fourchette, de se racler le vernis des ongles avec une lame de rasoir, d’enfoncer des fèves de galettes des rois dans de la Jelly où encore de mettre sa tête dans un saladier en verre et de gratter du papier frénétiquement ? L’utilité est ailleurs, dans la création de sensations. Le rythme et le cadrage vidéo nous entraînent dans un espace de réactions interstitielles. Sans savoir vraiment quoi faire, quoi voir et où se positionner, nous assistons à un défilé d’actions, au seuil de l’ordinaire. C’est un véritable détournement de situations qui se joue dans les vidéos de Cécile Benoiton.

Cette exposition personnelle est aussi l’occasion pour l’artiste angevine de présenter sa pratique du dessin. Trois propositions récentes sont exposées à RDV. Une première série intitulée, Petits glissements de temps utilise la flamme comme révélateur de formes et de textures. Le papier est piqué, griffé, coloré et minutieusement brûlé à différents degrés ; la destruction devient création. Sur ce même principe d’intervention, l’ensemble Glissements de temps, recouvre un pan de mur de l’espace d’exposition. Les vingt feuilles noires sont bombées en doré et percées à la main de milliers de trous d’aiguille. Assemblées, elles amènent littéralement un effet de glissement du plafond sur le mur. Ce sont pourtant des dessins indépendants où chaque paysage craquelé donne un aspect minéral unique, semblable à un relief lunaire. Usure d’un cuir délicat où saisie d’un échantillon désertique précieux, Cécile Benoiton réinterprète une chronologie de la répétition de mouvements.

Énigme, est le représentant de l’indépendance à laquelle chaque œuvre de l’artiste peut prétendre et ainsi exister en tant que telle dans l’exposition. Travaillé par superposition de couches de pigments aux crayons de couleur, cette réalisation révèle la matière, substance et résidu temporel du geste de l’artiste.
Dépasser les bornes, c’est aussi projeter la création au-delà des aboutissements et des conventions visuelles. Cécile Benoiton s’approprie avec légèreté et gravité les interstices artistiques.

Léo Bioret

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Visuels : Cécile Benoiton, détail, Glissements de temps, galerie RDV, 2015 / Cécile Benoiton, extrait vidéo, La fève

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