FESTIVAL D’AVIGNON. « THE ROMEO » : WHERE IS ROMEO ?

77e FESTIVAL D’AVIGNON. Trajal Harell – The Romeo – Cour d’honneur du Palais des Papes à 22h. – du 18 au 23/07/23.

Where is Romeo ?

Le chorégraphe nord-américain Trajal Harell est une personnalité attachante, parfait archétype de sa génération, très « positive attitude » avec un souci du « care » très répandu là-bas. Une génération qui refuse d’avoir une charge mentale trop forte et qui se veut « ultra cool », au point que contre tous les usages, dès l’entrée des 1947 spectateurs dans les gradins de la Cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon, ses danseurs et lui-même, déjà sur scène, discutent comme si de rien n’était, avec des spectateurs – sans doute des amis américains venus les soutenir… une manière de montrer au monde que ni lui, ni ses danseurs n’ont la fameuse « pression », ni même une once de trac. Non, tout va bien…

Sur ce grand plateau mythique, collé au mur gigantesque du Palais de papes, des treillis, sortes de moucharabieh, sont espacés sur la grande scène, un petit avec une double ogive à jardin, un plus complexe, fait de deux structures, l’une derrière l’autre, permettant le passage, bien au centre et une réplique de la plus petite à cour… des tabourets de pianos en velours noirs sont posés sur des lambeau de papier kraft agrémentés ici et là de tapis de jonc de coco, ceux qu’on met sous sa serviette à la plage pour éviter le sable, et ce détail n’en est pas un, car il contribue au mythe du chorégraphe qui trouve que, pour un si grand espace, un si petit appareillage est bien suffisant…

Renaissance d’une forme d’arte povera qu’on ne retrouvera pas dans les costumes qui eux, comme souvent dans son travail depuis The Kitchen à New-York, ont une place centrale de ce spécialiste du Voguing et, de ce point de vue, Farel Williams qui vient de présenter sa première collection chez Louis Vuitton a du souci à se faire parce que Trajal Harell n’y va pas avec le dos la cuillère… Moult tenues, avalanche de robes, de pulls portés à la taille ou l’envers, mal enfilés… noirs et couleurs, smiley et masque de plumes de pans… et gestuelle de podium avec grandes enjambées telles celles des mannequins sur les catwalks qui, à force de répétions par les danseurs, finissent par donner une grammaire à ce spectacle tout de même un peu vide…

Trajal Harell, non content de dépouiller le plateau du moindre décor, fait la bande son la plus « easy listening » de l’histoire de la cour et la succession de tubes classiques nous fait nous projeter dans un ascenseur de grande surface qui n’aurait pourtant pas osé mettre autant de références dans une seule et même ascension vers les cieux… Et cette musique induit la danse qui, on l’a vu, se base sur des demies pointes, jambes jetées comme pour enjamber plus vite cette scène.

On sent chez le chorégraphe son envie de rendre hommage à ses maîtres comme Martha Graham qu’il cite souvent ce qui nous vaut une introduction très expressionniste comme la chorégraphe – et avec elle, Marie Wignam – ont usé dans leur travail ; cette dernière étant une source d’inspiration qui influença Pina Bausch dont on retrouve ici aussi quelque hommage dans une phrase où tous les danseurs en ligne vont de gauche à droite port de bras et robes floues… Du moins on y pense…

Et quid de Romeo dans tout ça ? Quid du mythe revisité, du nom célèbre que Trajal Harell devait (voulait) nous faire rencontrer… pas grand-chose…

Pendant une heure quinze – seulement ! – mais qui ne passe pas vite, Trajal Harel entre deux petits, petits solos de bras presque dans le noir à jardin, contemple son œuvre assis, spectateurs de ses danseurs, tous parfaits, venus du monde entier, même une française Perle Palombe touchante – on a le droit d’être chauvins ! – mais quoi, qu’est que ce The Romeo, posé là sur un plateau de quarante mètres de large, dans une salle de près de deux mille spectateurs ?

On est en droit de se poser la question de la pertinence de présenter dans un si grand espace une danse minimaliste, qui est faite pour des scènes plus confidentielles où l’impertinence du chorégraphe touche davantage que dans ce vaisseau amiral du Festival ; et Trajal Harell lui-même se projetait aux Carmes, aux Célestins, à la Fabrica… autant de lieux où son univers délicat aurait été bien plus apprécié qu’hier dans la Cour où les huées ont commencé à voler – comme par hasard dans les hauteurs de la salle réservées pour les premières au vrai public du festival qui ne cachait pas sa déception – un peu comme avec Welfare qui sera, n’en doutons pas, bien mieux dans de plus petites salles…

Est-ce le prix à payer pour démontrer que oui une femme et oui un homme noir peuvent être programmés dans cet endroit mythique d’un grand festival qui se doit d’être un modèle, ce n’est pas rendre service aux artistes et pour le moment, leurs œuvres sont au large dans cet espace gigantesque qui en fait trembler plus d’un…

Emmanuel Serafini

Photo C. Raynaud de Lage

Comments
2 Responses to “FESTIVAL D’AVIGNON. « THE ROMEO » : WHERE IS ROMEO ?”
  1. John Doe dit :

    What a waste of time and money: no dance, no set, no story, a really repetitive and boring display of people in ugly clothing. What a bummer!

  2. Marie Ange Lainz dit :

    Merci pour ce compte rendu.

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