FESTIVAL D’AVIGNON. « LA VIE SECRETE DES VIEUX » : J’AI BESOIN D’AMOUR

La vie secrète des vieux/Mohamed El Khatib/Zirlib.

78e FESTIVAL D’AVIGNON. LA VIE SECRETE DES VIEUX – Mohamed El Khatib – 4- 17 juillet 2024 – Chartreuse de Villeneuve lez Avignon.

J’AI BESOIN D’AMOUR…

Évidemment, dans un Festival, il y a des spectacles autocentrés où l’on fait des jeux de mots vaseux sur les noms de famille de critiques qui ne font, finalement, rien que leur travail et puis il y a « La vie secrète des vieux » qui parle des vieux, des autres, de nous…

C’est la distribution la plus old school du festival qui vient nous parler, à nous, jeunes blanc becs, d’amour et de leurs envies – qui, contre toute attente et tous les lieux communs – sont persistants…

Et nous tombons (presque !) de haut lorsque nous découvrons qu’ils ont des sentiments, qu’ils élaborent des stratégies de drague comme les ados pour arriver à leurs fins… C’est proprement bouleversant. L’aide-soignante et Mohamed El Khatib, sorte de Monsieur Loyal attentif aussi bien à la chute qu’à la mémoire mis à part, toutes et tous avouent de 91 ans (vous avez bien lu !) à bien moins (mais pas en dessous de 70 ans) ce besoin inextinguible de contacts avec des corps, des baisers, des caresses…

Alors, oui, chez ces messieurs, tout ne marche pas comme avant et ces dames ont aussi des douleurs et des empêchements mais ils veulent toujours profiter avec une connaissance décuplée des effets, en prenant leur temps eux qui semblent ne plus en avoir beaucoup.

Si Alfred de Musset ou Racine surgissent de derrière les fauteuils (roulants) et les déambulateurs, c’est pour mieux faire raisonner la pertinence du propos. Ces femmes et ces hommes rassemblés sont à la fois leur histoire et leur présent. Ils ne pensent pas à l’avenir et sont devant nous avec leur vie du jour… d’ailleurs pendant le processus, certains partent rejoindre le monde des ténèbres avec ou sans amour (? ).

La découverte de ce spectacle est sans nul doute Yasmine Hadj Ali. D’origine « aide-soignante », cela dit bien l’habitude ancrée dans nos esprits que seules les personnes issues de l’immigration sont condamnées à s’occuper de nos vieux. Paradoxe pour eux qui, par tradition, culture ou faute de moyens (peut-être ?), gardent les leurs dans leurs familles au lieu de les mettre dans ces mouroirs pour riches blancs. Elle réalise la synthèse de ce spectacle avec une palette de vœux et des lumières scintillantes… Je ne vous en dit pas plus au risque de divulgâcher le final qui est splendide.

« Mon cœur vous est connu Seigneur. J’aimais. Je voulais être aimé. J’ai cru que son amour allait finir son cours »… Quoi de mieux que ce vers de Bérénice de Racine pour marquer notre besoin d’amour, jeunes ou vieux ? Rien à part cette pièce où, comme toujours, Mohamed El Khatib réussit l’exploit de faire un spectacle fort, généreux, humains, universel. Précipitez-vous prendre un bain de jouvence avec eux, ces vieux !

Emmanuel Serafini

Photo C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon

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