ARTE POVERA, PINAULT COLLECTION : RETOUR VERS LE PASSE


ARTE POVERA – Bourse de Commerce / Pinault Collection Paris – Jusqu’au 25 janvier 2025

Retour vers le passé

Si vous avez envie d’entendre parler italien du sous-sol au plafond sans quitter la France et même Paris, rendez-vous sans tarder (et en vous armant de patience – une file d’attente incroyable vous attend devant le musée !) à la Bourse de Commerce pour voir l’incroyable exposition que proposent Carolyn Christov-Bakargiev (ancienne directrice du Castello di Rivoli près de Turin) et Anne Dufour co-commissaire à la Pinault Collection.

Jusqu’à présent, lorsqu’on rentrait dans cette ancienne Bourse de commerce, on se demandait pourquoi François Pinault avait jeté son dévolu sur ce bâtiment surplombé d’un dôme de verre… Etait-ce par mimétisme du Palazzo Grassi de Venise où il a intempestivement transporté ses œuvres d’arts pour protester contre les difficultés qu’on lui faisait en France… Sans doute il y a de ça mais, le fait est, que c’est avec cette immense rétrospective de l’Arte Povera que ce cercle dominé par un plafond richement décoré et une verrière apportant une lumière naturelle toujours changeante, que ce choix prend tout son sens tant il semble logique d’y trouver dès l’entrée les principaux artistes de ce courant d’artistes italiens dont les œuvres ont été qualifiées par le critique Germano Celant en 1967 d’Arte Povera… Comme si le Musée avait été fait pour elles, mieux, comme si elles y avaient toujours été !

Et même si on sait, finalement, que depuis le Caravage ou Masaccio, il y a un Arte povera, c’est bien en réaction à l’art conceptuel et minimaliste qui domine à la fin des années 1970 qu’une petite vingtaine d’entre eux décident de faire simple avec peu…

En réaction avec l’avènement de la société de consommation aussi, ils décident d’utiliser des matériaux humbles, de se réemparer de techniques artisanales pour exposer dans des galeries ou des musées aussi bien le feu que la glace. Cette manière transgressive leur a permis de montrer au monde « qu’ils étaient vivants » et qu’ils ne se laisseraient pas faire…

En voulant se « rapprocher l’art de la vie » Giovanni Anselmo, Alighiero Boetti, Pier Paolo Calzolari, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Guilio Paolini, Pino Pascali,  Guiseppe Penone, Michelangelo Pistoletto,  Emilio Prini, Gilberto Zorio, Mario Merz, Marisa Merz ont posé dès les années 60 les fondements d’une pratique qui n’hésitera plus à lier néon, acier, plomb et ampoules… pour se signaler et démontrer qu’il existe bien un autre chemin pour faire de l’art…

Ainsi, dans un contexte politique et social italien extrêmement troublé, avec les révoltes étudiantes et la violence politique qui caractérise les années 1970 dans ce pays, Michelangelo Pistoletto constituera ses boules de journaux qu’on peut voir au dernier étage du Musée, Penone créera le premier arbre de 4 mètres, Cazolari sa première structure vivante (rarement exposée et qu’on peut contempler à Paris), Mario Merz fera ses premiers igloos et l’on croisera aussi les petits souliers tricotés en fil de cuivre, un amas de charbon sur socle rectangulaire, une feuille de plomb rose, le pied d’animal… autant d’œuvres de Marisa Mertz, Janis Kounellis, Pier Paolo Calzolari ou Lucianon Fabro… au total près de 250 pièces de ce courant sont visibles à la Bourse de Commerce… Un choc. Une révélation, comme si, jusqu’à présent, il nous manquait un morceau d’histoire pour comprendre et appréhender tous les courants et écoles qui vont suivre…

La Pinault collection est le parfait écrin pour ce travail de mémorisation. Et que vous alliez au sommet de l’édifice voir les Tableaux miroirs de Michelangelo Pistoletto (91 ans !) ou au sous-sol admirer les plombs et les noirs de Zorio, cet adpète des réactions chimiques et électriques autant que l’est son comparse Giovanni Anselmo  des aiguilles magnétiques, vous en prendrez plein les mirettes et comprendrez devant autant de simplicité que pour eux « l’essentiel est lié au geste ».

Ainsi donc, jamais exposition n’avait été autant à sa place que dans cette Bourse de Commerce de Paris et il faut féliciter Emma Lavigne, qui dirige la collection Pinault, d’avoir invité cette rétrospective qui nous permet de profiter dès l’entrée de cette espace circulaire où l’on croise le gisant de marbre de Luciano Fabro qui fait face au Mur incurvé de Emilio Prini…

Les deux grandes salles consacrées à Mario et Marisa Merz sont époustouflantes tant de pièces données à voir avec, glissé au milieu d’elles, ce Plan en dissolution de Malevitch datant de 1917 où, là aussi, le geste est limpide. Et si on pousse la visite au bout de ses deux pièces on découvre les grains de café Jannis Kounellis émouvante odeur de vie, souvenir de colonies pillées aussi ! Plus haut, la Venus contre un mur de Pistoletto surprend dans ce bâtiment moderne mais la toile de Penone faite de pic d’acacias ne rassure pas plus malgré sa beauté suggestive… 13 artistes majeurs, visibles de si près… franchement annuler l’Italie et restez à Paris…

Emmanuel Serafini

Vues de l’exposition « Arte Povera », Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris, 2024. © Tadao Ando Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, agence Pierre-Antoine Gatier. Photo : Florent Michel / 11h45 / Pinault Collection.

Comments
One Response to “ARTE POVERA, PINAULT COLLECTION : RETOUR VERS LE PASSE”
  1. Matatoune dit :

    Bravo car présenter cette formidable expo n’est pas chose aisée. Exposition très complète et je suis entièrement d’accord parfaitement adaptée à ce lieu mythique !

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