FESTIVAL D’AVIGNON : « PAR AUTAN », MAIS PAS PAR GRAND VENT

79e FESTIVAL D’AVIGNON. « Par autan » – François Tanguy / Théâtre du Radeau – Gymnase du Lycée Mistral du 12 au 14 Juillet à 12h – Durée 1h30.

« Par autan » est la deuxième pièce de François Tanguy, disparu en 2022, jouée cette année au Festival d’Avignon après « Item ». C’est donc l’ultime oeuvre du metteur en scène que présente le Théâtre du Radeau du Mans. Sur le plateau, même scénographie que pour « Item », une espèce de bric-à-brac un peu vieillot. Le théâtre de François Tanguy n’a pas de fil narratif, ici il s’agit davantage de faire ressentir, d’esquisser et d’évaporer la poésie d’une bribe de texte sur fond musical, tout est légèreté, une sorte de futilité exigeante. Rien ne semble réel dans la proposition de ces magnifiques comédiens, tout n’est que prétexte à la poésie des mots et des notes de piano.

Le vent d’autan est ce vent venu de la mer qui, parait-il, rend fous ceux qui le subissent. Ici et là des panneaux de bois, des châssis de peinture, des tentures en avant-scène qui voltigeront au gré de ce fameux vent, un éclairage en clair-obscur, tout concourt à penser à une suite à « Item », un peu comme si on revenait dans ce vieux théâtre hanté ou ce grenier de grand-mère où les enfants font du théâtre avec trois bouts de ficelles trouvés dans une vielle malle. Car c’est bien là la singularité de cette œuvre, l’impression que la magie opère sous les yeux parfois ébahis parfois intrigués. Ici le spectateur se trouve dans les sables mouvants de la création, s’enfonçant toujours plus dans une douce léthargie, bercé par des textes classiques sur des musiques allant de Beethoven aux Beatles. Les scènes défilent nous faisant découvrir une grande bourgeoisie à la Dubout, frisant à chaque pas le ridicule, aux formes exagérées et à la gestuelle allant parfois jusqu’au grotesque mais jamais franchement méchant.

Il y a dans ce spectacle d’indéniables très belles images d’une sublime poésie. Comment ne pas penser au Molière de Mnouchkine, quand le vent semble tout emporter sur son passage, décor et comédiens. D’un simple changement d’attitude et d’accessoire, le patron de café se retrouve chevalier et nous emmène dans un ailleurs avec lui. Tout ce beau monde joue à un saute-mouton littéraire et il faut savoir les suivre car il n’est pas donné à tous d’adhérer à ce type de proposition, soit on y parvient, soit on reste sur le bord de la route. Et dans ce cas le périple est long car François Tanguy dans sa mise en scène, dans son désir de théâtre non narratif, peut perdre un public qui a besoin de proposition plus tangible, plus écrite mais non moins poétique.

Cette douce folie parait quand même nettement inutile après un « Item » vu quelques jours avant. Certains crieront au génie, d’autres ne percevront pas l’intérêt de présenter cette deuxième proposition , dans la forme comme dans le fond quasi identique à la première et au-delà de la mort du metteur en scène, dans un festival dédié à la création théâtrale et à la découverte.

Pierre Salles

Photos C. Raynaud De Lage / Festival d’Avignon

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